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Le Vendredi 25 mars 2016 à 20:59

Où en sont les attaques judiciaires contre Montpellier journal ?


Trois affaire : une demi-victoire, une victoire et une défaite. Un score honorable obtenu sans avocat. Et beaucoup d’argent économisé.

Par Jacques-Olivier Teyssier

René Revol, maire (Parti de gauche) de Grabels, le 25 mars 2015 (photo : J.-O. T.)

Dernière mise à jour : 23 septembre 2021

L’affaire René Revol (Parti de gauche)
La citation devant le tribunal date du 17 avril 2015. Depuis, une audience a lieu tous les trois mois environ et l’affaire a été chaque fois renvoyée en raison du nombre d’affaires en attente (et donc du manque de moyens de la justice française) en attendant d’être plaidée.

Dates des audiences où l’affaire a été renvoyée et où j’ai dû me déplacer : 10 novembre 2016, 8 septembre 2016, 30 juin 2016, 2 juin 2016, 3 mars 2016, 10 décembre 2015, 17 septembre 2015, 25 juin 2015. Lors de l’audience du jeudi 19 janvier, le dossier a pu enfin être plaidé. René Revol n’était pas présent mais représenté par son avocat. Et je peux vous dire que c’est très éprouvant nerveusement. La décision du tribunal est attendue pour  le 16 mars 2017, soit deux ans après l’assignation.

D’après ce qu’on m’a dit (j’attends la notification officielle), j’ai été condamné à 1000 € d’amende avec sursis et 800 € de dommage et intérêts à verser à René Revol. Cette décision ne me satisfait évidemment pas car je persiste à dire que mon travail était sérieux. Je pourrais faire appel mais même en cas de victoire, le coût en frais d’avocat (obligatoire en appel) et en énergie dépasserait les 800 € demandés sans compter que je suis passé à autre chose (et je ne le regrette pas). J’attends maintenant avec impatience la décision argumentée du tribunal.

J’ai reçu le 11 septembre (sic) 2017 la copie du jugement et – merveilleuse justice – il n’explique rien. Voici ce qui est simplement écrit : « Attendu qu’il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à Teyssier Jacques sont établis ; qu’il convient de l’en déclarer coupable et d’entrer en voie de condamnation. » En résumé : pourquoi suis-je coupable ? Parce que. Suivent les 1000 € d’amende avec sursis, les 800 € de dommage et intérêts à verser à René Revol (qui m’a attaqué avec l’argent de la commune) et 127 € de « droit fixe de procédure » à payer à l’État.

La loterie de la justice – évoquée avant même le procès – a donc penché en faveur de René Revol. Tant mieux pour lui. Pour éclairer cette décision, citons Serge Halimi, aujourd’hui directeur du Monde diplomatique, cité en octobre 2003 par Fakir, le journal fondé par François Ruffin, aujourd’hui député soutenu par la France insoumise : « La qualification juridique de diffamation est tellement imprécise qu’un tribunal répressif pourrait l’invoquer pour condamner le moindre propos qui serait tout juste désobligeant. »

Serge Halimi écrivait au juge pour soutenir Fakir : « L’affaire de François Ruffin et de Fakir est très ordinaire. A quoi reconnaît-on un ordre sinon au fait qu’il règne et a les moyens de continuer à le faire : dans la presse, dans les assemblées, dans les esprits, dans les prétoires ? Quand, muni pour toute fronde d’un journal de bénévoles, sans publicité, sans appui officiel, un David égaré offense un Goliath municipal, médiatique et patronal (il ne manque ici que l’Eglise et l’Armée) la légende biblique a forcément tort : ce n’est presque jamais David qui gagne. Il est pauvre ? Raison de plus : on le ruinera ! »

Pour la petite histoire, rappelons que Fakir avait été, lors d’un de ses procès, condamné à payer 87 000 Francs (13 262 €) par une condamnation en première instance. Sauf que le journaliste avait fait appel et avait finalement gagné cette bataille judiciaire. Évidemment, si j’avais été condamné à 13 000 €, j’aurais fait appel. Mais il faut parfois agir avec sa tête plutôt qu’avec ses tripes.

Pour terminer, une question que posait Fakir en 2002 alors qu’il faisait face à plusieurs procès : « Peut-il exister de  » vilains petits canards  » en province (et en tout cas à Amiens) ? Ou doit-on se contenter de quotidiens régionaux qui, par leurs connivences et leurs silences, satisfont pleinement les notables, les entreprises, les élus du coin… mais pas toujours les lecteurs ? » Question qu’on pourrait poser à René Revol. Mais quand on voit la réaction de Jean-Luc Mélenchon à ma condamnation, on se demande si certains élus de la France insoumise n’aiment pas que les médias qui font leur louanges.

Le 22 septembre 2021 a été publié le jugement d’une affaire où l’inénarrable Bernard-Henri Lévy (BHL) avait assigné le site Blast pour diffamation. À la lecture de la décision de la XVIIe chambre civile du tribunal de Paris, on mesure l’écart entre la façon avec laquelle est traitée ce type d’affaire en province et à Paris par la chambre spécialisée dans les affaires de presse. Dans la décision, les juges rappellent notamment :
« - l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ;

- il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait – et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur,dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;

- l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci,mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises ;

- la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause,à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte introductif d’instance et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par le demandeur ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question,les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire. »

On pourra également lire les motivations détaillées du jugement bien loin de celles qui m’ont concerné dans le jugement rendu par la présidente Morgane Le Donche assistée de Louisa Ait-Hamou et Georges Vincent. Bref la justice, n’est pas la même partout. Ce n’est pas nouveau mais il est bon de le savoir.

Le coût de cette affaire pour Montpellier journal à un total de 1 507 €. Partiellement couvert par le produit d’une soirée de soutien. Merci à vous !
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Pour en savoir plus, par ordre chronologique :

D’autres articles sur René Revol ici.

Les attaques de Jean-François Floch, le patron-agresseur sexuel qui co-dirigeait la société Bioréalités devenue Eramondi avec son épouse Dominique Joubert :

Première attaque : Il a porté plainte contre moi à deux reprises (en juin 2014 puis en novembre 2014) pour recel de violation du secret professionnel et du secret de l’enquête pour avoir raconté ses pratiques envers ses salariées qui lui ont valu une condamnation à 10 mois de prison avec sursis pour notamment agressions sexuelles et harcèlement moral.

Pour en savoir plus, par ordre chronologique :

Bonne nouvelle sur ce front : Les députés ont adopté le 8 mars le projet de loi « visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias ». Ils ont mis le temps mais c’est une bonne nouvelle. Il permet en effet que les journalistes ne soient plus poursuivis pour recel de violation du secret professionnel ou de l’enquête. C’est maintenant au tour du Sénat de jouer. Mais ce n’est qu’un signe positif. En effet, rien ne dit pour l’instant que je ne serai pas renvoyé devant un tribunal.

La juge d’instruction a demandé, le 29 juillet, mon renvoi devant le tribunal correctionnel et je viens de recevoir la date de mon procès. Il était prévu le 17 octobre 2016 à 14h au TGI, place Pierre Flotte à Montpellier mais, sans avoir été prévenu avant, j’ai appris que l’affaire était renvoyée au 10 novembre 2016 à 14h. Motif invoqué : c’est une affaire de presse donc elle doit passer lors d’une audience des affaires de presse…

Le 10 novembre, le dossier a été renvoyé  – motif : le 17 octobre il a été renvoyé par erreur à une audience de presse – au 8 février à 14h et devrait être plaidé. Après 9h d’attente au tribunal, l’affaire a enfin été plaidée et le délibéré a été rendu dans la foulée un peu avant… minuit : j’ai été relaxé. Le procureur avait requis 4 000 € d’amende à mon encontre et Jean-François Floch avait demandait 2 500 €. Ils n’ont dont pas été suivis par le tribunal. Jean-François Floch peut encore faire appel. Je n’ai reçu que le 29 mars, la décision écrite. J’ai reçu le 8 avril, le certificat de non appel. La décision de relaxe est donc définitive. C’est donc une victoire dans cette affaire. Mais il ne faut pas oublier le temps et l’énergie dépensés pour me défendre.

Deuxième attaque : Jean-François Floch vient d’ouvrir, avec son épouse Dominique Joubert, un deuxième front pour de prétendues atteintes à leur vie privée. Deux ans après la parution du premier article ! Ce qui m’a occupé plusieurs jours fin mars et début mai. L’audience de référé est prévue le jeudi 12 mai à 8h30. Après plus de trois heures d’attente, j’ai pu me défendre devant le tribunal.

C’est une demie victoire : le juge, dans une décision datée du 16 juin, n’a demandé le retrait d’aucun des articles visés par Jean-François Floch et son épouse Dominique Joubert. L’article décrivant les pratiques de Jean-François Floch (agressions sexuelles, harcèlement sexuel et moral, ici) est donc toujours en ligne. Le juge a néanmoins demandé le retrait de la photo de Jean-François Floch pourtant prise lors d’un déjeuner professionnel dans un restaurant qui est un lieu public. Le juge a donc privilégié le respect de la vie privée de Jean-François Floch alors que la photo ne montrait quasiment que lui et que la jurisprudence met toujours en balance le respect de la vie privée et le droit à l’information. Quand il s’agit d’une personnalité publique (ce qui est le cas de Jean-François Floch) et que la photo est prise dans le cadre professionnel (ce qui était le cas), la jurisprudence privilégie normalement le droit à l’information. Pas le juge des référés de Montpellier. Autre point positif néanmoins : alors que Jean-François Floch et son épouse demandaient 14 000 €, le juge ne m’a condamné à rien d’autre qu’à retirer la photo. J’aurais pu donc faire appel avec de bonnes chances de l’emporter mais le coût en temps et le risque financier n’en valait pas la chandelle d’autant que deux autres affaires judiciaires sont toujours pendantes. La photo a donc été remplacée par un dessin d’Aurel et des liens vers des photos de Jean-François Floch ont donc été ajoutés.
Le coût en conseils juridiques pour cette affaire se monte à 220 €. Auxquels s’ajoutent donc le temps et l’énergie passés à me défendre.

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- l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ;
- il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d
un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure - caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation daucun fait - et, dautre part, de lexpression subjective dune opinion ou dun jugement de valeur,dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;
- l’honneur et la considération de la
personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci,mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par lallégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises ;
- la diffamation, qui peut se présenter sous forme
d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause,à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent. Par ailleurs, ni les parties, ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte introductif d’instance et il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent limputation formulée par le demandeur ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question,les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire.


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2 commentaire(s)

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  1. JED said
    on 28 mars 2016

    à 16 h 42 min

    JOT écrit : « Les députés ont adopté le 8 mars le projet de loi « visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias ». Ils ont mis le temps mais c’est une bonne nouvelle. Il permet en effet que les journalistes ne soient plus poursuivis pour recel de violation du secret professionnel ou de l’enquête. C’est maintenant au tour du Sénat de jouer. Mais ce n’est qu’un signe positif. En effet, rien ne dit pour l’instant que je ne serai pas renvoyé devant un tribunal. »
    Les journalistes d’Acrimed et du SNJ ne trouvent pas que ce projet soit globalement bon : http://www.acrimed.org/Non-a-une-loi-expeditive-sur-la-liberte-et-l
    http://www.acrimed.org/Renoncements-et-bricolages-une-proposition-de-loi-cosm-ethique-sur-les-medias

  2. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 28 mars 2016

    à 21 h 40 min

    Vous avez raison, j’aurais dû écrire : « C’est une bonne nouvelle pour Montpellier journal. »