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Le Jeudi 3 décembre 2015 à 18:43

Régionales : Carole Delga et les promesses non tenues du PS


Au-delà de la politique sécuritaire et libérale des gouvernements PS dont les électeurs pourraient se souvenir au moment de voter dimanche, il y a les belles paroles de campagne que l’équipe sortante a eu bien du mal à mettre en œuvre en Languedoc-Roussillon. (1 820 mots)

Par Jacques-Olivier Teyssier

Extrait d'un tract de Carole Delga (PS) pour la campagne des régionales 2015

Comment parler d’une liste PS dans les circonstances actuelles sans rappeler les actes du président et du gouvernement PS ? D’autant que la candidate Carole Delga est non seulement députée, et pas des plus frondeuses, mais aussi ancienne ministre, poste qu’elle a quitté pour entrer en campagne. Dernier acte en date : « l’état d’urgence » dont la prolongation a été votée le 19 novembre par 271 députés PS sur 275. Mais aussi par des députés écologistes – dont Christophe Cavard, une autre tête de liste pour les régionales – et Front de gauche. On y reviendra demain.

Douze jours pas suffisants ?
Rappelons tout d’abord qu’il s’agit bien d’une prolongation de trois mois et que la loi du 3 avril 1955 prévoit que l’état d’urgence peut être décidé par décret et peut durer 12 jours. Au delà, il faut une loi. Douze jours n’était-ce pas suffisant pour perquisitionner ce qu’il y avait à perquisitionner dans le cadre d’une procédure administrative c’est-à-dire en dehors du contrôle du pouvoir judiciaire?

On serait tenter de répondre « si » en écoutant l’ancien juge antiterroriste, Marc Trévidic, peu suspect de sympathie envers les djihadistes : « Les perquisitions de jour et de nuit pendant trois mois, vous pensez bien que nos salafistes++ savent très bien qu’on va venir les voir. Je ne crois pas qu’ils laissent beaucoup de choses traîner. […] Trois mois c’est un peu long. » (France inter, 23/11, vers 4′)

« Open bar »
Et puis, il y a surtout les dérives associées. Quand c’est « open bar » pour les préfets et la police, faut-il s’étonner qu’ils se servent ? Pour prendre la mesure de ces très nombreuses dérives, on peut consulter le recensement effectué par La quadrature du net dans un article visant à « recenser les articles de presse qui parlent de possibles abus / dérapages liés à l’état d’urgence ». Un simple parcours rapide de ces pages et ces pages donnent le tournis. Ou la nausée.

Sans parler de l’utilisation de « l’état d’urgence » pour interdire les manifestants pour le climat dans le cadre de la Cop 21 et les arrestations de masse dimanche à Paris (lire un témoignage édifiant ici). Et même pour assigner à résidence des militants écologistes (oui, oui). Les avocats de ces derniers ont écrit une lettre ouverte au premier ministre dans laquelle ils écrivent notamment : « Ce sont ainsi vos opposants politiques que vous avez placés sous résidence surveillée, comme l’aurait fait n’importe quel régime autoritaire et comme cela ne s’est plus vu dans ce pays depuis longtemps. »

Leçons de pratiques démocratiques au PS par la droite
Et c’est même un homme politique de droite – un comble ! – qui donne des leçons de pratiques démocratiques à un gouvernement PS. Ainsi l’ancien premier ministre UMP Dominique de Villepin déclarait  : « En dehors des crises ouvertes, nous devons être extrêmement vigilants sur la défense de l’état de droit et la démocratie. […] Il y a un risque de dérive possible […] Il faut essayer au maximum de limiter dans le temps toute mesure exceptionnelle. […] L’état d’urgence doit se limiter à la période qui véritablement correspond à celle de l’urgence. » (BFMTV, 2/12, vers 0’40)

Plus près de nous, il y a eu l’assignation à résidence de Mohamed Khattabi, ancien imam de la mosquée de la Paillade. Il faut écouter la députée PS Anne-Yvonne Le Dain pour prendre la mesure de l’arbitraire. Elle expliquait ainsi la décision visant le religieux : « Seul l’état d’urgence permettait de le faire parce qu’en temps normal, il faut avoir des soupçons et des choses à reprocher aux gens. Or l’imam Khattabi est un homme qui ne franchissait jamais la ligne jaune en matière de vocabulaire. […] Il y a des inquiétudes et des soupçons qui permettent de justifier ces inquiétudes [sic] . »

« Il faut que le droit s’applique »
Puis de dire son contraire : « Voyez-vous, on est quand même un état de droit. Et ça veut dire qu’il faut que le droit s’applique. On ne peut pas enfermer les gens uniquement sur un vague soupçon, pour des paroles […] On ne met pas judiciairement en cause quelqu’un parce qu’on a des inquiétudes. » (France bleu Hérault, 24/11) Donc « l’état d’urgence » permet de faire à quelqu’un qui « ne franchissait jamais la ligne jaune » ce que le judiciaire ne permettait pas.

Pour éviter les remarques du style « oh mais ce sont encore les délires d’Anne-Yvonne Le Dain », Montpellier journal a demandé, dès le 24 novembre, au PS local et national s’ils cautionnaient les propos de la députée. Pas de réponse. Une chose est sûre : il ne les ont pas condamnés. Au delà de la privation de liberté d’un homme sur des « soupçons » ou « des inquiétudes », l’effet est dévastateur dans les quartiers populaires. Exactement ce que veut Daesh.

Une mesure injustifiée pourra durer des mois
On peut aussi écouter la présidente de la Ligue des droits de l’homme de Montpellier, l’avocate Sophie Mazas qui explique que la loi qui vient d’être votée ne permet plus de recours rapide contre l’assignation à résidence. Conséquence : une mesure injustifiée de privation de liberté pourra durer des mois (voir ici). Et il semble que ce ne soit que le début puisque la réforme de la constitution à venir va durcir les possibilités sécuritaires actuelles (lire ici).

Et on ne parle pas bien sûr de la décision de faire un peu plus la guerre en réponse aux attentats alors qu’on sait depuis longtemps qu’elle ne fait qu’alimenter le terrorisme voire le créer (on peut par exemple poursuivre l’écoute de l’interview de Dominique de Villepin citée plus haut ou celle-ci de février 2015 pour plus de détails). Au vu de ces seuls éléments, on peut imaginer qu’il faudra une bonne dose de bienveillance à un électeur informé et véritablement de gauche pour voter PS lors de prochaines élections, fussent-elles locales. Quant à la candidate Delga, dans Midi Libre de ce matin, elle ne trouvait rien de mieux qu’appeler « le peuple de gauche au vote utile » en faveur de sa liste. Pas sûr que cette ficelle éculée fonctionne encore.

Loi Macron
Surtout qu’on peut quand même rappeler, pour les seuls derniers mois, l’épisode de la très contestée loi sur le renseignement votée par tous les députés PS de l’Hérault ou la très libérale loi Macron passée en force via le recours au 49.3 pour éviter toutes contestations dans les rangs des frondeurs – un mot sans doute bien trop fort pour qualifier de vagues murmures de réprobation au sein du PS.

Le PS c’est aussi « faites ce que je dis pas ce que je fais » en matière de cumul. Ainsi Carole Delga a déjà annoncé que dans le cas où elle serait présidente de région, elle ne renoncerait pas à son mandat de députée avant 2017. Kleber Mesquida, président PS du conseil départemental, est lui aussi, toujours député. Anne-Yvonne Le Dain est également députée et toujours vice-présidente de la région Languedoc-Roussillon. Sans parler de Christian Assaf, député et en position éligible sur la liste Delga ce qui fait dire à certains que l’apparatchik, en bon professionnel de la politique, se prépare un parachute en cas de défaite (probable) aux législatives de 2017.

Le conseil départemental PS sanctionne des médias indépendants
Pour revenir au domaine des libertés, rappelons que les élus PS ont été loin d’être exemplaires en matière de liberté de la presse. Lire par exemple : Médias : Christian Bourquin ose tout c’est même à cela qu’on le reconnaît. Plus récemment, c’est le conseil départemental et son président Kléber Mesquida, lui aussi sur la liste Delga, qui se sont distingués : L’Agglorieuse (28/10) s’est plaint de ne plus recevoir les communiqués du conseil départemental depuis juin. Et de faire l’hypothèse que le président « n’apprécierait guère ni l’humour, ni l’information sans concession ».

Montpellier journal a subi le même sort à peu près à la même période. Et le conseil départemental a refusé de s’expliquer sur cette décision. Une hypothèse pourrait être que la révélation par Montpellier journal de l’augmentation des indemnités que se sont voté les conseillers départementaux sous la présidence Mesquida, aurait déplu. Il faut dire que l’information a été largement reprise par les autres médias et que l’ancien président du conseil général, André Vezinhet, avait jugé « indécent » de voter une telle hausse. Voici les liens :

Confusion des genres
Sur la presse, il faut aussi mentionner la totale confusion des genres avec Jean-Michel Baylet, président du PRG et allié de Carole Delga. Celui-ci, tout en faisant de la politique, est aussi patron de presse (Midi Libre, La Dépêche). C’est-à-dire que les médias qu’il possède écrivent sur lui et sont aussi clients (publicités, annonces légales) des collectivités que le PRG dirige ou dirigeait. Un détail.

Après tout ce qui précède, les questions qui suivent en deviendraient presque accessoires. L’emploi que la candidate Delga dit considérer comme sa « priorité » (20 minutes, 30/11) ? En faire sa priorité comme ses prédécesseurs, c’est bien mais pour quels résultats ? Au premier trimestre 2004, juste avant que le PS ne reprenne la région à l’UMP, le chômage était à 11,7 % en Languedoc-Roussillon. Aujourd’hui il est à 14,1 % soit une progression de 20,51 %. Dans le même temps, au niveau national il n’est passé « que » de 9 % à 10,4 % soit une progression de 15,56 % (sources Insee ici et ici).

10 lycées en 16 ans au lieu de 12 en 6 ans
Une autre promesse qui n’a clairement pas été tenue, c’est celle du « TER à 1 € ». Et même enrobés de communication, les faits sont têtus. Lire : « TER à 1 € » : le train-train des promesses électorales non tenues. Même chose pour la construction de lycées. La candidate Delga annonce « 10 nouveaux lycées numériques et verts d’ici 2021 ». Pourquoi pas ? Mais, lors de la campagne de 2004, la liste Frêche (PS) en avait promis 12 en 6 ans. Après deux mandats du PS, ce sont finalement 10 en 16 ans qui auront été construits. Lire : Christian Bourquin ment sur la construction des « lycées neufs »

Terminons par l’écologie avec, au niveau national, l’aéroport de Notre-dame-des-Landes que le PS ne semble pas vouloir abandonner et plus généralement la timidité du gouvernement en matière de protection de l’environnement pour ne pas dire la soumission aux lobbys. Par exemple à celui du nucléaire. Plus près de nous, il y a eu l’épisode du barrage de Sivens dans le Tarn, le soutien actif et permanent des élus PS au doublement de l’A9 et à la très contestée gare de la Mogère à Montpellier.

A paraître avant le premier tour : un article la liste Onesta (EELV-Front de gauche).

Lire aussi :



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6 commentaire(s)

Suivre les commentaires de cet article

  1. gilles said
    on 3 décembre 2015

    à 22 h 22 min

    Hâte de lire le prochain article, pour celui-ci une seule citation:

    « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

    Benjamin Franklin

  2. ghizmo34 said
    on 4 décembre 2015

    à 13 h 29 min

    « La sécurité est la première des libertés, c’est pourquoi d’autres libertés pourront être limitées », Manuel Valls.
    Or, en France, où prime, normalement, les Droits de l’Homme, il n’y a pas de hiérarchie aux Droits, c’est un tout. On ne peut choisir entre l’un ou l’autre, c’est un ensemble indissociable par définition. Or notre premier ministre se met en marge des Droits de l’Hommes, n’y a-t-il pas là un très très grand problème démocratique ?

  3. ghizmo34 said
    on 4 décembre 2015

    à 13 h 30 min

    Petit complément d’information : Manuel Valls est Socialiste… A vos bulletins de vote !

  4. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 4 décembre 2015

    à 18 h 20 min

    Il n’est pas « socialiste », il est membre du PS.

  5. Jean de Laguionie said
    on 6 décembre 2015

    à 1 h 40 min

    Pas d’accord JOT d’évoquer le national pour parler d’un rdv local. Exactement le piège dans lequel Sarkozy veut nous entraîner et perso je m’y refuse

  6. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 9 décembre 2015

    à 22 h 00 min

    Jean : c’est marrant, il me semblait que les logos, sur les bulletins de vote, étaient ceux de partis nationaux.