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Le Jeudi 20 octobre 2011 à 23:18

« Il est très probable que toutes les banques viennent à tomber » (1/2)


Alors que des décisions des chefs d’état européens sur la crise financières sont annoncées dans les prochains jours, Montpellier journal revient sur des propos récents de Frédéric Lordon qui avait prédit – parmi d’autres – que le plan de sauvetage de la Grèce de 2010 ne réglerait rien. Premier volet : ou en sommes-nous et comment en est-on arrivé là ? À venir : les solutions radicales de l’économiste. Il ne s’agit pas d’une synthèse mais d’un point de départ vers des publications et des déclarations de Frédéric Lordon pour inciter les lecteurs à s’informer sur ces questions.

 

Frédéric Lordon le 6 octobre 2011 à Paris à l'invitation de Mediapart (photo : copie écran de la vidéo de Mediapart)Cette compilation a demandé un long travail. Pensez à faire un don à Montpellier journal si elle vous a intéressé.

Pour des raisons éditoriales, le titre condense les propos qu’a tenus Frédéric Lordon le 6 octobre lors des « interventions des Economistes atterrés » à l’invitation de Mediapart. Voici la phrase entière : « Si, comme il est très probable, les banques viennent à tomber du fait de la dette souveraine et de la contagion, par le jeu du risque systémique, elles tomberont toutes. Ce qui signifie que, sans intervention publique, elles seront techniquement en état de faillite irrémédiable et de valorisation financière rigoureusement nulle.»

« On va se retaper assez vraisemblablement
un moment de risque bancaire géant »

L’idée de cet article est née d’une frustration : celle de voir résumer trop brièvement l’intervention de l’économiste dans un article de Mediapart (10/10) même s’il renvoyait vers la vidéo complète de son intervention. J’ai finalement décidé d’aller un peu plus loin et de faire une compilation – très très incomplète – de ses interventions récentes. En effet, il a par exemple aussi écrit : « La certitude de la catastrophe finale commence à se profiler. » (La pompe à phynance, 11/08). Ou encore déclaré : « On va se retaper assez vraisemblablement un moment de risque bancaire géant. » (Ce soir ou jamais, France 3, 11/10). Il y avait donc matière à se pencher un peu plus en détail sur la question. Ce travail n’a d’autre prétention que de donner un point de départ vers certaines déclarations ou écrits plus détaillés. Les références en sont données au bas de l’article et au fil des paragraphes.

Il vous l’avait bien dit. C’était sur Arrêt sur images, le 14 mai 2010, quelques jours après l’annonce du plan de sauvetage européen : « Ce plan est vraisemblablement voué à l’échec. » Pourquoi ? « Il impose à l’économie grecque une telle restriction budgétaire qu’il ne peut s’en suivre qu’un ralentissement de croissance encore plus profond que celui qui est déjà à l’œuvre. De telle sorte que l’ajustement budgétaire aura toujours un temps de retard sur l’effondrement des recettes fiscales. » Quelques jours plus tôt, l’économiste donnait des explications beaucoup plus détaillées sur son blog.

« La Grèce fera défaut »

13 mois plus tard, Arrêt sur images l’invite de nouveau et constate qu’il avait vu juste. Le 21 juillet, un nouveau plan de sauvetage de la Grèce est adopté par les Européens et le Fond monétaire international. Aujourd’hui, Frédéric Lordon ne croit pas plus à ce deuxième plan : « On peut prolonger encore la série autant qu’on veut. Il se passera ce qui est déjà annoncé c’est-à-dire que la Grèce fera défaut. A partir de là, on entrera en terres inconnues. » (Là bas si j’y suis, 16/09, vers 4’30’’). Les manifestations d’hier et d’aujourd’hui montrent que la Grèce est loin d’être tirée d’affaire.

Aujourd’hui, on n’en est plus à discuter ce qu’il aurait fallu faire même s’il donnait, sur son blog (11/08), des pistes pour régler « des situations parfaitement gérables » qui ont été transformées « en inextricables crises » : une politique de relance par « stimulation coordonnée » mais « à la condition bien sûr d’être capable de projection dans un horizon de moyen terme – c’est-à-dire de patience ». Problème, « la finance de marché est la plupart du temps incapable de moyen terme ».

« Le sinistre des banques sinistre les états
qui menacent de (re)sinistrer les banques »

Les membres du gouvernement français ne perdent pas une occasion de déclarer que le plan de sauvetage des banques de 2008 après la faillite de Lehman brothers du fait de la crise des subprimes, n’a rien coûté à l’État français puisque les banques ont remboursé les aides. Frédéric Lordon voit, lui, les choses différemment sur son blog (11/08) : « On admirera au passage cet élégant jeu de chassés-croisés privé/public (le sinistre des banques sinistre les états qui menacent de (re)sinistrer les banques) et États-Unis/Europe (les subprimes, par récession interposée, ruinent les États européens qui, par la crise des dettes publiques, ruineront en retour le système bancaire étasunien (juste après l’européen), soit métaphoriquement : Lehman-Grèce-Goldman (1). »

Il avait déjà expliqué sur France inter (Là bas si j’y suis, 1/03/10, piste 3) en  quoi le « sinistre des banques » a affecté les états : « Ce qu’on dit moins souvent – après s’être félicité que le sauvetage des banques ne coûtait rien ou presque – c’est que le sauvetage de l’économie est le deuxième sauvetage des banques en quelque sorte. Parce que si on n’avait pas soutenu la conjoncture comme on le fait – et c’est ça qui fait véritablement l’explosion des dettes et des déficits – les banques auraient fait face à des torrents de mauvaises dettes tels qu’elles y auraient trouvé une deuxième occasion de trépasser. C’est un sauvetage caché des banques et celui-là, il coûte des sommes absolument faramineuses. »

« Les banques sont les dépositaires
de deux biens publics vitaux pour une société marchande »

Au-delà des responsabilités, il est important de comprendre – et chaque citoyen est concerné – pourquoi le système bancaire nous est vital. N’en déplaise à ceux qui voudraient laisser périr « ces pourris ». Pour Frédéric Lordon (Ce soir ou jamais), « les banques sont les dépositaires de deux biens publics vitaux pour une société marchande ». Le premier ce sont les dépôts et les épargnes. « Si toutes les banques tombent, ceux-ci s’évaporent dans l’instant et ce n’est pas la peine de se gargariser avec le Fond de garantie des dépôts : ça va si une banque ou deux tombent, si la totalité s’écroule, le fond saute comme un bouchon de champagne. » Le deuxième c’est l’opération des transactions élémentaires ou la gestion des moyens de paiement.

C’est pourquoi il ne faudrait pas se réjouir d’une aggravation de la situation car « la ruine du système bancaire nous ramène à l’état de nature économique en moins d’une semaine » et apparaîtrait bien vite le « sentiment très douloureux de notre propre déconfiture matérielle ». Avec un « retour au potager ». Pour ceux qui en ont un.

« La crédibilité des stress tests européens est en cendre »

Faut-il faire confiance aux règles appliquées aux établissements financiers ? Frédéric Lordon prend l’exemple de Dexia (Mediapart) dont le démantèlement vient d’être acté. « Dexia est un parfait cas d’école. » Elle est sortie « 12e sur 91 » des stress test européens « dont la crédibilité est en cendre ». De plus, « Dexia coule avec les honneurs et un ratio de solvabilité de 10,5 %, 3 points au dessus du minimum de Bâle III donc là-aussi très bon dans le classement scolaire ». Et « une impasse totale sur les vrais problèmes : funding, accès au marché de gros du crédit, levierisation et liquidités ». Enfin, Dexia c’était aussi « l’hubris de la finance mondialisée et le délire des grandeurs de ses élites » (Mediapart).

Concernant les états, il y a le Fond européen de stabilité financière (FESF) dont il a été question, ces derniers jours, d’augmenter la capacité d’intervention. Pour l’instant Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont en désaccord sur le sujet (La Tribune, 20/10). Problème, selon Frédéric Lordon, le FESF présente une « malfaçon constitutive qui consiste à fabriquer des surendettés futurs pour sauver les surendettés présents».  Ça pouvait passer quand il s’agissait de secourir des « petits » pays (Irlande, Portugal, Grèce) – et encore pas simple : voir les problèmes actuels autour de la Grèce – mais qu’en sera-t-il alors que s’annoncent « deux sérieux candidats au bureau des pleurs : l’Espagne et l’Italie » ?

« Il est à craindre que le coup soit fatal pour le FESF »

Il suffit de donner les chiffres de la dette des pays pour comprendre le problème. Irlande : 148 milliards, Portugal : 160, Grèce : 328. Et pour les deux « gros » : Espagne : 638, Italie : 1840. Frédéric Lordon souligne qu’en cas de difficultés d’un « gros », « il est à craindre que le coup soit fatal pour le FESF qui enregistra le choc des deux côtés de son bilan » : du côté de ses emplois car qui dit gros pays, dit gros besoins. Et aussi du côté des ressources car si un « gros » pays est en difficulté, cela fait aussi un gros contributeur de moins au Fond européen.

Pour terminer sur l’analyse, il faut se poser la question de comment on est arrivé là. Pour Frédéric Lordon, « la mondialisation néolibérale va périr par la dette parce que, à l’encontre de l’idée reçue qui le présente comme la raison économique même, le néolibéralisme est fondamentalement le régime économique du surendettement généralisé ». Dette des ménages du fait de la compression des salaires via le libre échange et la pression actionnariale. Dettes des états : voir ci-dessus mais aussi « sous l’effet de la contre-révolution fiscale, un autre de ses produits typiques [du néolibéralisme], qui réduit la contribution du capital et des plus fortunés ».

À venir : les solutions radicales de Frédéric Lordon car « le retour à l’état de nature économique » n’est ni certain ni souhaitable.

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► Lire aussi :

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(1) Goldman Sachs est la plus grande banque d’affaires au monde. Elle vient d’annoncer de très mauvais résultats pour le 3e trimestre 2011. Après avoir tenté de s’attaquer à ses coûts en… réduisant la taille des tasses à café afin de diminuer le temps de pause de ses salariés.

http://j-ai-du-louper-un-episode.hautetfort.com/archive/2012/02/12/frederic-lordon-leur-dette-notre-democratie-transcription.html

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Un commentaire

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  1. alain b said
    on 21 octobre 2011

    à 9 h 52 min

    beau boulot de synthèse, merci !