Skip to content


Le Mardi 25 mai 2010 à 17:28

Sans-papiers : la préfecture de l’Hérault flirte avec le mensonge


Mardi 18 mai, 64 dossiers de demande de régularisation ont été déposés en une seule matinée. Une façon pour la Coordination des comités de soutien aux sans-papiers de Montpellier de contourner le refus d’un dépôt collectif. Prise au dépourvu, la préfecture a néanmoins réagi très rapidement par un communiqué.

Devant la préfecture de l'Hérault (photo archive : Mj)Mardi 18 mai, dès 4h30, la Coordination des comités de soutien aux sans-papiers de Montpellier s’est rendue à la préfecture pour déposer des dossiers de demande de titre de séjour. Cette action faisait suite au refus de la préfecture d’un dépôt collectif des dossiers soutenus par la Coordination.

Action collective car concertée
À 10h41, la préfecture s’empressait de diffuser un communiqué de presse pour bien indiquer qu’il s’agissait de « dépôts individuels » alors que dans un communiqué diffusé en milieu d’après-midi, la Coordination parlait d’un « dépôt collectif au guichet de 64 dossiers ». En réalité, c’est cette dernière qui est la plus proche de la vérité puisque l’action a bien été collective car concertée et soutenue par des militants. Si les personnes sont arrivées dès 4h30, c’était bien pour être sûres de pouvoir déposer leur dossier ce jour-là. En revanche la préfecture est aussi dans le vrai puisque la Coordination a dû se plier à la volonté de la préfecture d’un dépôt individuel c’est-à-dire l’un après l’autre.

Là où c’est cocasse, c’est quand la préfecture reprend un vieil argument : « Accepter en nombre des dossiers déposés de manière groupée constituerait une injustice qui retarderait l’examen des demandes déposées individuellement. » On attend que la préfecture nous explique en quoi 64 dépôts de dossiers en 1 matinée change quelque chose à 1 dépôt de 64 dossiers. Pour Benoît Guerrée de la Coordination, c’est « un argument fallacieux » car le collectif n’a jamais demandé à ce que les dossiers qu’il soutient passent devant les autres. Le militant considère même qu’il aurait été plus simple d’accepter un dépôt collectif l’après-midi : « D’un point de vue technique, ça aurait pu les arranger, ça aurait évité de surcharger les bureaux de la préfecture. Puisque, apparemment, ils étaient débordés et disent qu’ils ont rajouté des gens. »

« Sur la place publique »
Pour Benoît Guerrée, la raison du refus d’un dépôt collectif est ailleurs : « La démarche collective pose un souci à la préfecture parce qu’elle met sur la place publique la question de la régularisation d’un ensemble de gens. Le fait même que les sans-papiers s’organisent eux-mêmes leur pose un problème. Le rapport de force qu’on met dans la rue, même très petit, ils n’en veulent pas. Ils veulent réduire nos apparitions au strict minimum c’est-à-dire aux démarches individuelles. » Il faut dire que lors d’un précédent dépôt collectif, la Coordination revendique un taux de régularisation de 65 % contre, à l’en croire, un taux beaucoup plus faible lors de dépôt isolé.  Pour lui, la pression du collectif notamment en cas d’expulsion, n’est pas étrangère à ce taux élevé. De plus, explique Benoît Guerrée : « On sait que dans l’individuel, l’arbitraire et l’aléatoire sont plus importants. »

Et les faits semblent le prouver. Puisque le 18 mai, selon la Coordination, la préfecture a adopté deux attitudes différentes face à un dossier incomplet : soit acceptation du dossier avec demande de le compléter avec les pièces manquantes soit refus du dossier incomplet. Selon la Coordination, c’est sous la pression des militants que tous les dossiers ont finalement été acceptés. En revanche, on ne sait pas ce qu’il se passe quand un sans-papier se retrouve seul au guichet.

Entrée interdite à certains militants
De plus, au début de l’action, la police nationale a empêché les militants présents d’accompagner les sans-papiers au guichet. Certains ont pu finalement rentrer en prétextant une opération administrative (carte grise) puis une fois à l’intérieur, la police et la préfecture les ont finalement laissés assister aux dépôts et faire l’interface entre les fonctionnaires et les déposants. À noter aussi que l’entrée a été interdite à certains militants sans explication. La préfecture va donc un peu loin dans sa communication et flirte avec le mensonge quand elle écrit dans son communiqué : « Afin d’assurer la fluidité du traitement de ces dossiers, le dispositif d’accueil aux guichets étrangers a été renforcé et a accueilli par groupe de 8 les demandeurs assistés de deux représentants du collectif. » Encore un peu et la préfecture allait ajouter quelques Bisounours à ce monde merveilleux.

Autre souci : aucun récépissé n’est donné au déposant d’un dossier. Celui-ci n’a donc aucune preuve de son dépôt. Il n’a donc aucun recours si le dossier est perdu. De plus, en cas d’interpellation par la police, il n’a rien pour prouver qu’il a déposé un dossier et n’a plus qu’à espérer que la communication entre la police et la préfecture soit bonne pour éviter d’être placé en centre de rétention voire d’être expulsé. Enfin, comme l’explique Benoît Guerrée, la préfecture a informé que le traitement des dossiers pouvait parfois excéder quatre mois. Problème, au bout de quatre mois une non-réponse vaut une réponse négative. Comment un déposant peut-il faire la différence entre un retard et un refus ? C’est pour cela, qu’une des revendications de la Coordination, c’est la remise d’un récépissé à tous les sans-papiers (membre ou pas du collectif).

Questions sans réponse
Du côté de la préfecture qui, on l’a vu, a donc été très prompte à communiquer, c’est silence radio. En effet, Montpellier journal lui a envoyé le 18 mai vers 17h les questions ci-dessous :

« Quelques questions suite au dépôt de dossiers de sans-papiers ce matin. Pour éviter des allers-retours, je pense qu’il serait préférable qu’une personne de la préfecture me réponde oralement. Je pourrais ainsi demander des précisions, si nécessaire. Pourriez-vous me donner un contact, svp ?

  1. Pourquoi la préfecture a-t-elle refusé l’entrée à des membres de la coordination venus accompagner les déposants ? La coordination affirme qu’elle avait demandé lors d’une réunion en préfecture si, lors des dépôts individuels, les déposants pourraient être accompagnés. La préfecture leur aurait  répondu par l’affirmative. Est-ce exact ? Si oui pourquoi ne pas avoir tenu parole ?
  2. Pourquoi la préfecture (ou la police) n’a-t-elle pas fourni d’explication aux personnes à qui l’entrée a été refusée ?
  3. Pourquoi la police a-t-elle demandé à une personne qui avait réussi à entrer en préfecture et qui était sagement assise, de sortir de la préfecture ?
  4. Pourquoi aucun récépissé attestant du dépôt n’a-t-il été remis à chaque déposant ?
  5. Comment le déposant fait-il, en cas d’interpellation, pour justifier d’un dépôt de dossier ?
  6. Selon la coordination, des fonctionnaires ont refusé de prendre certains dossiers incomplets (cas 1) alors que d’autres ont été acceptés. Avant de se raviser et de finalement accepter de les prendre tous (cas 2). Pourriez-vous m’indiquer quelle est la règle et pourquoi n’a-t-elle pas été appliquée ? Car vu que deux comportements ont été observés (cas 1 et cas 2), il y en a forcément un qui ne respecte pas la règle. Ou alors quelque chose m’a échappé.
  7. Si j’ai bien compris, pendant les quatre mois de l’étude de son dossier, un déposant ne peut être reconduit à la frontière. L’étude d’un dossier peut-elle dépasser 4 mois ?
  8. Que se passe-t-il si l’étude du dossier dépasse 4 mois ?
  9. Comment le déposant fait-il pour faire la différence entre
    - pas de réponse qui, si j’ai bien compris, équivaut à une réponse négative
    et
    - un dossier toujours en cours d’étude ?
  10. Dans le cas d’un dossier en cours d’étude, que se passe-t-il en cas d’interpellation ? Comment le déposant peut-il être sûr qu’il sera relâché par la police ? »

Ces questions sont, pour l’instant, restées sans réponse.

Quant à Direct Montpellier plus, le compte rendu a été simple. Visiblement basé uniquement sur le communiqué de la préfecture, il s’est traduit par un papier suréaliste titré : « Sans-papiers – La préf ouvre à 4h30 du mat’ ! » Quant à la version de la Coordination, le lecteur n’aura qu’à se débrouiller. Pour le plaisir, on vous met l’oeuvre du quotidien gratuit :

Dans Direct Montpellier plus du 19 mai 2010Photo d’archive : devant la préfecture de l’Hérault (Mj)

► Lire aussi :

Vous pouvez soutenir Montpellier journal et…

Soutenir Montpellier journal


Publié dans Médias, Social. Mots clés : , , , .