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Le Lundi 8 février 2016 à 21:04

Les communes aux finances préoccupantes du grand Montpellier


Depuis les élections municipales, on a beaucoup parlé de Juvignac et sa situation financière extrêmement tendue. Mais la situation de Grabels (maire : René Revol, Parti de gauche) peut être considérée comme inquiétante. Pérols (Jean-Pierre Rico, UDI) et Baillargues (Jean-Luc Meissonnier, divers droite) pourraient être aussi – mais dans une moindre mesure – à surveiller. Quant à Cournonsec (Régine Hilaire, PS, ancien maire : Jean-Pierre Moure, PS), sa situation semble s’améliorer lentement. Des informations utiles en cette période d’élaboration des budgets (1 270 mots).

Par Jacques-Olivier Teyssier

Evolution de l'encours de dette de la commune de Grabels (maire : René Revol, Parti de gauche) (chiffres : ministère des finances)

Quand Pascal Heymes, un des opposants les plus appliqués de René Revol, écrit au préfet pour dire son inquiétude sur les finances de sa commune, on se dit qu’il est dans son rôle d’opposant. Même si on n’oublie pas qu’il est expert en finances des collectivités locales. Et si Montpellier journal que René Revol a décidé d’attaquer pour diffamation l’an passé (lire ici), s’intéresse à Grabels, on peut penser que nous avons la rancune tenace – ce qui n’est pas faux, avis aux excités des recours judiciaires. Alors, essayons de coller au plus près des chiffres.

Capacité de la commune à rembourser
Voyons d’abord un panorama général des communes de la métropole et de quelques autres communes alentours (1). On a retenu deux indicateurs : l’encours de dette par habitant (en euros) et le ratio encours de dette sur capacité d’autofinancement (CAF) qui donne la capacité de la commune à rembourser ses dettes grâce à l’épargne qu’elle dégage chaque année. Ce deuxième indicateur s’exprime en nombre d’années qu’il faudrait à la commune pour rembourser ses dettes avec sa CAF. Quand l’endettement est important et que cet indicateur est supérieur à 15 ans, il faut commencer à y regarder de plus près. Pour l’encours de dette, on a également retenu un indicateur donnant l’écart à la strate de l’encours de dette. Exemple une commune qui aurait un encours de dette de 2 000 € par habitant alors que la strate est à 1 000 € aurait un indicateur de 2 (deux fois plus que la strate).

Ces chiffres sont basés sur les comptes administratifs 2014. Ceux de 2015 ne seront pas disponibles avant plusieurs mois. Les chiffres de la « strate » correspondent aux moyennes des communes de taille équivalente.

Les dettes des communes du grand Montpellier en 2014 (chiffres : ministère des finances)

Sans surprise, Juvignac est championne toute catégorie avec une dette près de 3 fois supérieure à la strate et une CAF négative traduisant que la commune n’arrive pas à faire face à ses remboursements d’emprunts avec son épargne et, sans mesures drastiques (augmentation importante d’impôts, réduction des charges et des investissements) doit emprunter pour… rembourser ses emprunts. La dette a été multipliée par 2,5 en 10 ans passant de 1 049 € en 2005 à 2 503 € en 2014. Il était urgent d’agir et la nouvelle équipe semble s’y atteler sous le regard attentif de la Chambre régionale des comptes.

Pic de dette en 2008 à Cournonsec
Autre communes que les lecteurs de Montpellier journal connaissent bien : Cournonsec (lire ici et ici). La commune de l’ancien candidat (PS) aux municipales à Montpellier, Jean-Pierre Moure, présente une dette 2,6 fois supérieure à la strate. Avec un ratio Dette/CAF de… 460 ans ! Mais la situation de la commune semble s’améliorer (grâce à des taux d’imposition élevés ?) puisque après avoir atteint un pic de dette en 2008 de 2 498 €, celle-ci diminue depuis chaque année pour atteindre en 2014, 1 838 €. Si la commune n’a pas d’importants investissements à réaliser dans les prochaines années, sa situation pourrait continuer à s’améliorer.

En troisième position, on trouve Grabels avec une dette 2,4 fois supérieure à la strate. On va y revenir plus en détails plus bas car c’est celle où la tendance est à la dégradation continue. On trouve ensuite Baillargues où le niveau est élevé avec un ratio Dette/CAF de 21 ans. Si les investissements n’ont pas diminué en 2015 et/ou s’ils se poursuivent en 2016, 2017, la situation pourrait devenir tendue :

Evolution de l'encours de dette de la commune de Baillargues (chiffres : ministère des finances)

Idem pour Pérols même si la dette n’est « que » 1,5 fois supérieure à la strate et le ratio dette/CAF de 15 ans :

Evolution de l'encours de dette de la commune de Pérols (chiffres : ministère des finances)

Les communes de Castelnau-le-Lez, Restinclières, Saint-Brès ou Saint-Georges-d’Orques ont également des indicateurs pouvant interroger mais l’autre colonne étudiée aurait tendance à rassurer. Pour la première car son épargne lui permet de faire face à son endettement. Pour les suivantes car leur dette est faible.

Tendance à l’optimisme de René Revol plutôt qu’au réalisme
Reste donc Grabels. Où on a, de plus, les chiffres 2015 puisque Pascal Heymès a étudié le budget 2015 de près. Cela reste un budget donc des prévisions mais on a pu constater que René Revol avait plutôt tendance à l’optimisme (pour ne pas être plus méchant) surévaluant les recettes (lire ici) plutôt qu’au réalisme. Rappelons au passage qu’alors que le préfet lui a demandé de rectifier son budget en mai 2015, René Revol ne s’est exécuté qu’en… novembre. Pas mal pour un budget qui était censé donner les prévisions de l’année 2015. Et encore, selon Pascal Heymès, le budget rectifié ne serait toujours pas sincère car il surévaluerait encore une dotation (lire ici).

Reste que la tendance pour Grabels – contrairement aux autres communes à l’endettement fort par rapport à la strate – est à la hausse quasi continue depuis l’élection de René Revol en 2008. Dans le tableau ci-dessous, le chiffre 2015 est celui donné par Pascal Heymès et celui de la strate est repris de 2014 :

Evolution de l'encours de dette de la commune de Grabels (chiffres : ministère des finances)

Côté dette/CAF, toujours selon Pascal Heymès on passerait à… 36 ans si le budget était réalisé ! Pour mémoire en 2013 Juvignac était à 66 ans et Cournonsec à 45. L’explication d’un tel endettement vient bien sûr d’un niveau d’investissement important. Ainsi le cumul des dépenses d’équipement par habitant de 2005 à 2014 se monte à 4 881 € à Grabels contre 3 357 € pour la strate. Espérons que les habitants seront contents de ces investissements (stade et nouvelle mairie notamment) sinon ce sera pour eux la double peine.

Doublement des frais de personnel à Grabels en 7 ans
Mais Pascal Heymès souligne un autre point sur son blog Grabels en question(s) (29/11) : « En 2008, première année du mandat de René Revol, le montant des frais de personnel était inférieur à 2 M€ (1,96 M€). En 7 ans, ce poste a plus que doublé [4 M€] ! Proprement vertigineux ! » L’encadrement des enfants en crèche et dans les écoles explique-t-il tout ? Une chose est sûre l’embauche de Pascale Le Néouannic, proche de Jean-Luc Mélenchon, en 2015, n’a pas dû améliorer les choses. Heureusement pour les finances de Grabels, elle est aujourd’hui partie à la régie de l’eau, présidée par… René Revol.

Celui-ci pourra-t-il diminuer les investissements de sa commune pour assainir la situation ? Pascal Heymès ne le pense pas d’autant qu’une nouvelle école est prévue et qu’il faut bien loger les enfants et leurs instituteurs. Donc un projet auquel il est difficile voire impossible de renoncer. Il est en effet assez compliqué d’empêcher les enfants de grandir. Problème, le budget annoncé est de 6,3 M€ (Midi Libre, 28/04) pour une livraison d’une première tranche à la rentrée 2017 donc un investissement sur les budgets 2016 et 2017.

Une école de 6,3 M€ prévue en 2017
Pour avoir une idée de ce que représente 6,3 M€, il faut savoir que la moyenne des dépenses d’équipements de Grabels de 2005 à 2014 se monte à 3 M€. Il faut ajouter à cela, comme le souligne Pascal Heymès, les tribunes-vestiaires du stade à terminer et la construction prévue d’un restaurant (!). Et il ne faut pas oublier que tout ça se situe dans un contexte des dotations de l’État aux communes qui vont continuer à diminuer dans les prochaines années. Bref, c’est très tendu.

René Revol va-t-il augmenter les impôts ? Il peut toujours le faire car les taux de Grabels pour la taxe d’habitation et le foncier bâti ne sont « que » d’à peine 4 points au dessus de ceux de la strate. Alors qu’à Cournonsec, par exemple, il le sont à plus de 7 points. Reste à savoir comment les habitants prendraient une telle décision. Si René Revol l’envisageait, il ne serait pas étonnant qu’il le fasse rapidement pour ne pas le faire trop près des élections municipales de 2020. En 2016 ? Autre piste : la réduction des frais de fonctionnement comme ce serait le cas dans le budget 2015 pour le poste transports collectifs des enfants selon Pascal Heymès. On aurait vu mieux pour un élu Parti de gauche. Mais René Revol n’est plus à une contradiction politique près. Rendez-vous dans quelques semaines lors du vote du budget.

[Mise à jour le 28/03/2017 : Dans une interview à La Gazette de Montpellier (9/03), le préfet de l'Hérault, Pierre Pouëssel, affirme que la commune de Grabels ainsi que les communes de Baillargues, Cour­non­sec, Fa­brègues, Mon­taud, Pé­rols, Pi­gnan et Saint-Georges-d'Orques sont entrées dans le "réseau d'alerte" de la préfecture. Et il explique ce que ça signifie : "Ce sont des com­munes où le taux d'en­det­te­ment ou la pres­sion fis­cale peuvent nous alar­mer."]

__________
(1) Nous n’avons pas inclus Saint-Clément-de-rivière du fait d’une particularité de comptabilité qui la rend difficilement comparable aux autres communes.

Lire aussi : René Revol (Parti de gauche) rappelé à l’ordre par le préfet


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4 commentaire(s)

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  1. mjulier said
    on 8 février 2016

    à 22 h 17 min

    En théorie, il y a des cas dans lesquels il est rentable de s’endetter: vous vous équipez en moyens techniques ou en bâtiments publics, pour éviter ensuite de faire appel à des entreprises privées ou de payer des loyers. Inversement, une privatisation réduit instantanément la dette publique mais parfois elle est coûteuse sur le long terme (la privatisation des autoroutes par exemple). Et comme le PG est plutôt étatiste… Est-ce que la ville de Grabels revendique, en contrepartie de la hausse de la dette, une augmentation du patrimoine qui permet des économies futures?

    Une faute d’orthographe: « le ration encours de dette (…) ». Et même du rab de dette pour chaque contribuable?

  2. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 8 février 2016

    à 22 h 23 min

    Les dépenses d’équipement qui pèsent dans le budget de Grabels ne correspondent pas aux cas que vous évoquez.

    Merci, c’est corrigé.

  3. sbertsch said
    on 17 février 2016

    à 15 h 40 min

    il me semble qu’il y a une coquille dans le tableau à propos de Montferrier-sur-Lez, soit au niveau de l’écart soit, plus probablement, sur le chiffre de la dette (« 82″).

  4. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 17 février 2016

    à 16 h 03 min

    sbertsch : pas du tout, je viens de vérifier. Montferrier-sur-Lez est une commune riche : les produits des impôts locaux sont nettement supérieurs à la strate (+58% pour la taxe d’habitation et +52 % pour le foncier bâti en 2014) même avec des taux inférieurs à la strate pour la taxe d’habitation (-1,82 point) et légèrement plus élevés pour le foncier bâti (+1,57).

    De plus, elle a des charges de fonctionnement inférieures à la strate.