Skip to content


Le Jeudi 23 octobre 2014 à 19:49

Un policier de la BAC arrache son téléphone à Montpellier journal


Lors de l’expulsion mouvementée du squat Utopia 001, avenue de Lodève à Montpellier, ce matin, le fonctionnaire de la Brigade anti-criminalité (sic) a empêché Montpellier journal de faire son travail : filmer les brutalités policières. Sa photo ci-dessous et la vidéo de la scène plus bas.

Par Lucie Lecherbonnier

Le policier de la BAC qui a arraché le téléphone de Montpellier journal (photo : Lucie Lecherbonnier)

Dès mon arrivée sur les lieux à 9h45, je constate qu’un cordon de policiers bloque le passage en haut de l’avenue de Lodève, 50 mètres environ en amont de l’entrée du squat l’Utopia 001. Une vingtaine de camions de police sont stationnés sur le bas-côté de la route. La plupart des squatteurs, ils sont une cinquantaine, a déjà été expulsée, seuls les enfants et cinq squatteurs réfugiés sur les toits, sont encore à l’intérieur.

Je me présente aux policiers en tant que journaliste et demande à pouvoir accéder au squat. On me réclame une carte de presse. J’explique que je n’en ai pas encore (je travaille à Montpellier journal depuis septembre) mais propose ma carte de visite. L’accès me reste refusé. Pendant près de trente minutes je pose des questions, prend quelques photos sous le regard des policiers qui, à ce moment, m’ont déjà identifié comme faisant partie de la presse.

Prévenant une charge éventuelle, les manifestants décident de s’asseoir sur le sol, bloquant le passage du tram. L’action se déclenche brutalement et sans sommation. Les manifestants encerclés sont traînés au sol et ramenés sur le bord de la chaussée. Téléphone à la main je tente de m’approcher des personnes à terre. Un premier policier me demande, sans brutalité, de me mettre sur le côté. Je m’exécute tout en continuant de prendre des images. Alors que j’essaye de me décaler pour filmer un des manifestants qui semble blessé, un second policier, sur l’uniforme duquel figure un écusson de la BAC de Montpellier (voir photo ci-dessus et vidéo ci-dessous), non casqué, portant un bandana bleu sur le visage et des lunettes me bloque le passage : « On recule, on s’enlève des voies. » Il se place devant moi et me saisit le bras. Je lui demande de me lâcher, ce qu’il fait. Je tente de filmer les policiers encerclant un petits groupe de manifestants. Il reprend : « On recule. » Puis m’arrache mon portable des mains et le donne rapidement à un collègue situé derrière lui.
Regarder la vidéo :

Je veux récupérer mon téléphone mais les policiers m’empêchent de passer et me poussent à l’écart. Je constate que le policier en possession de mon téléphone est en train de le manipuler. Cherche-t-il à effacer les images ? Je crie : « Je suis journaliste, j’ai le droit d’être ici ! » Mais on me maintient à l’écart. Me dégageant du groupe de policier, je m’adresse à celui qui semble être en charge du commandement (photo ci-dessous) et lui demande comment récupérer mon appareil. Réponse : « Ça y est on s’est calmé, on est moins agressive maintenant ? » Je répond : « Je ne suis pas agressive, je fais mon travail. » Lui : « Et nous aussi. » Confisquer le matériel d’une journaliste ferait-il donc partie du travail de la police ?

Le policier qui semble en charge du commandement (photo : Lucie Lecherbonnier)

J’exige de pouvoir récupérer mon matériel mais rien n’y fait, la réponse reste la même, pas de carte de presse, pas de statut de journaliste. Les policiers ne savent-ils pas que tout citoyen à le droit de filmer ou de photographier les interventions de la police ? Guillaume Neau, chargé de communication pour la police nationale de l’Hérault, écrivait pourtant par mail en avril 2009 à Montpellier journal : « Dans l’exercice de nos missions au quotidien, nous sommes de plus en plus confrontés à la captation voire à la diffusion de notre image ou de nos paroles par des tiers. Or, si nous bénéficions, comme tout citoyen, du droit au respect de la vie privée, nous ne pouvons faire obstacle à l’enregistrement ou à la diffusion publique d’images ou de paroles à l’occasion de l’exercice de nos fonctions. Il est donc exclu pour nos services d’interpeler la personne effectuant un enregistrement, qu’elle appartienne à la presse ou non, ainsi que de lui retirer son matériel ou de détruire les prises de vue effectuées. Un policier ne peut, en principe, s’opposer à l’enregistrement ni à la diffusion d’images ou de sons. La liberté de l’information, qu’elle soit de la presse ou d’un simple particulier, prime le droit au respect de l’image ou de la vie privée dès lors que cette liberté n’est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne ou au secret de l’enquête ou de l’instruction. Nous restons très attentive aux exploitations qui pourraient en être faites. »

Je suis donc « invitée » à me rendre à l’Hôtel de police pour réclamer mon bien. Quelques instants plus tard, un manifestant me tend furtivement mon téléphone, dans l’agitation je n’ai pas le temps de lui demander comment il a pu le récupérer.

Le manifestant que je tentais d’approcher a en effet reçu un coup au visage, son nez semble cassé. On annonce que les cinq squatteurs restés sur le toit ont été emmenés au poste. Ils seront libérés très rapidement dans la matinée. L’avocate des squatteurs maître Sophie Mazas, sort alors du squat. Une assemblée générale s’organise sur la chaussée. Sur les conseils de leur avocate, les squatteurs décident alors de la dispersion. Pour les deux personnes blessées, Ghiless et Jonathan que Montpellier Journal avait interviewé quelques jours avant l’expulsion (voir ici), la suite du programme se déroulera à l’hôpital. Rendez-vous à l’Utopia 002 ?

[Màj le 24/10 à 10h30 : Selon un message de la LDH d'hier soir, une des personnes interpelées, a été placée en garde à vue "toute la journée et passe vendredi en comparution immédiate pour un motif actuellement non communiqué". Audience à partir de 13h30 au tribunal. Par ailleurs Midi Libre indique ce matin que son journaliste, Yanick Philipponnat, a été empêché de faire son travail par les policiers alors qu'une équipe de TF1, "en immersion avec la police a pu tranquillement continuer à filmer". On imagine que le sujet de la chaîne de télévision privée sera des plus incisifs... Celui de Yanick Philipponnat ne l'est pas beaucoup pour autant. Il a même "oublié" de mentionner que deux squatters-manifestants avaient été blessés lors de l'opération. ]

Lire aussi :


Publié dans Accès libre, Sécuritaire. Mots clés : , .

5 commentaire(s)

Suivre les commentaires de cet article

  1. HENRIMEY said
    on 24 octobre 2014

    à 8 h 04 min

    Bien! Bon boulot et merci…
    Merci aussi pour la richesse de l’interview de Ghiless et Jonathan daté du 14 octobre, d’une densité surprenante et qui m’avait échappé. Il éclaire ce qui vient de se passer et doit tous nous inciter à trouver les moyens d’exprimer plus de solidarité.
    Henri Meynadier

  2. Lucie Lecherbonnier said
    on 24 octobre 2014

    à 11 h 40 min

    Merci :)

  3. PhilippeMenut said
    on 27 octobre 2014

    à 0 h 53 min

    En plus d’une atteinte à la liberté de la presse il est assez cocasse d’observer que le capitaine masqué arracheur de smartphone est équipé d’une petite caméra GoPro fixée à la poitrine par un harnais. A l’atteinte au droit de la presse, il ajoute donc une atteinte au droit à l’image par une prise de vue cachée !

  4. Lucie Lecherbonnier said
    on 28 octobre 2014

    à 17 h 05 min

    Merci de nous l’avoir signalé. Nous notons…

  5. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 29 octobre 2014

    à 9 h 35 min

    @Philippe Menut : la prise de vue n’est pas cachée puisque la caméra est visible et je ne suis pas sûr qu’il y a une atteinte au droit à l’image.