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Le Vendredi 20 juillet 2012 à 13:17

Comment je me suis fait traiter de « connard » par un policier municipal


Hier soir, dialogue ferme mais respectueux à propos d’une photo que je n’aurais soit disant pas dû prendre. Jusqu’à ce qu’un des deux fonctionnaires de la mairie (PS) de Montpellier ne dérape.

Un dessin d'Aurel sur la police municipale et les photosShort, tee-shirt, sandales, vélo. Il est un peu moins de minuit et je rentre du cinéma. Cela fait un petit moment que je ne suis pas passé par les platanes de l’esplanade. Les platanes ? Oui, vous savez bien, les deux qui hébergeaient des cabanes. Des cabanes ? Oui, vous savez bien, celles qui ont été évacuées avec leurs occupants le 6 juillet par les troupes d’élite du GIPN (Groupe d’intervention de la police nationale). Et comme cela fait depuis le 6 juillet que les deux platanes en question sont entourés de barrières et gardés par deux policiers municipaux et leur voiture à gyrophare – et sérigraphiée comme disent les journalistes spécialisés faits divers – je décide de faire un petit crochet pour faire un point sur la situation.

« Mission [sic] reconduite jusqu’à fin juillet »
Arrivés sur place, la personne qui m’accompagne et moi constatons que rien n’a changé : il y a bien deux policiers qui sont là pour empêcher d’éventuels « cabaniers » de remonter dans les arbres. Et, nous l’apprendrons plus tard de la bouche, d’un des deux policiers, « la mission [sic] a été reconduite jusqu’à fin juillet ». Je décide donc de prendre une photo vite fait, comme je l’ai fait à plusieurs reprises (ici et ), pour tenir informés mes 6000 amis de Facebook et mes 1900 followers sur Twitter du feuilleton des deux platanes. L’objectif n’est pas de prendre le visage des policiers en gros plans – on n’est pas dans le cas d’une bavure – mais d’avoir, sur la photo, les barrières, les deux policiers, leur voiture et ces satanés platanes qui font de la résistance depuis déjà 15 jours. Car je sais bien que les deux policiers obéissent aux ordres, aussi stupides et ridicules (les ordres) qu’ils peuvent être parfois. Je me positionne au niveau de la deuxième rangée de platanes et …clic. C’est alors que les choses se gâtent.

« Monsieur, je peux voir vos photos, s’il vous plaît », me lance le plus grand, léger embonpoint, cheveux en bataille, avant même d’être arrivé à ma hauteur. « Non », je lui réponds. Surpris, il insiste et prend l’air de celui qui veut signifier que ça ne va pas se passer comme ça. Je persiste : « Non, je n’ai pas à vous montrer mes photos. ». Son collègue s’approche. Menaces de m’emmener au poste (en saisissant très fermement le guidon de mon vélo comme s’il voulait m’y amener comme ça), tentative de m’apitoyer (en substance : « On a des collègues qui se sont fait agresser chez eux avec leur famille après que des photos ont été publiées. »), invocation d’un prétendu nouveau décret qui interdirait la prise de photos. Décret qui se transformera quelques minutes plus tard : « Ils vont faire voter une loi pour qu’on soit floutés. » Demande d’une pièce d’identité. « Non, je n’ai pas à vous donner mon identité. Quel délit ai-je commis ? » Explication : c’est pour vous poursuivre si vous publiez les photos. Je tente de les convaincre  que c’est plutôt la personne qui diffuse les photos qu’il faudrait attaquer pas le photographe. Dans le cas, bien sûr, où ce serait interdit. Ce qui n’est sans doute pas le cas mais comme je ne lis pas le Journal officiel toutes les semaines, je reste prudent. Même si le policier est dans l’incapacité de m’en dire plus sur ce fameux décret. Et puis on a glissé de la question de la prise de photos à leur diffusion.

« Vous êtes en train de m’insulter, là »
Le grand s’adresse à la personne qui m’accompagne : « Vous aussi, vous faites partie des indignés ? » Étonnement. Il s’explique : « Parce que vous avez … [il montre l'endroit sur le visage] un piercing là. » Silence. Réflexion sur la profondeur de l’analyse. La discussion se poursuit sur un ton ferme mais correct des deux côtés. Jusqu’à ce que le deuxième, petit – très petit – crâne rasé, lâche : « C’est pas un connard comme toi… » La phrase reste suspendue. J’écarquille un brin les yeux et souligne à celui dont le rôle est de faire respecter la loi : « Vous êtes en train de m’insulter, là. » J’en oublie de lui faire aussi remarquer qu’il vient de me tutoyer. Tutoiement que veut bannir Manuel Valls, le nouveau ministre (PS) de l’intérieur. Tout comme le délit de faciès ou les contrôles d’identité « réalisés sans discernement ».

Les choses se calment. Mais ils ne veulent pas lâcher sur mon identité. Sinon, ils appellent la police nationale et direction le poste, prétendent-ils. Il est tard, envie de me coucher. Je prends conscience que ça peut durer longtemps d’autant qu’ils n’ont rien d’autre à faire que de garder les platanes et s’occuper de moi. Et peut-être que la police nationale a d’autres chats à fouetter et pourrait mettre du temps à venir. Je finis par donner ma carte d’identité en me disant que, de toute façon, ils sauront vite le lendemain qui je suis en… lisant ces lignes. Et je finis par leur dire aussi que je suis journaliste. Ils ne me croient pas. Je leur dis de demander à leur chef, Georges Elenecave. Ils finissent par nous laisser partir après avoir noté mon nom. Vais-je être, dorénavant, « défavorablement connu des services de police » ?

« On se retrouvera »
En rentrant, on se souvient que le policier au crâne rasé, c’était le même qui avait cédé à une provocation d’un spectateur, un peu éméché, lors de l’opération autour du « cabanier » resté dans l’arbre le 6 juillet après-midi. Le policier avait été un peu chauffé. Et il avait fini par enjamber le ruban de sécurité quand le provocateur lui avait lancé : « On se retrouvera. » Il avait fallu que plusieurs de ses collègues crient son prénom, à plusieurs reprises et lui disent de revenir pour qu’il lâche l’affaire alors qu’il se dirigeait vers l’insolent d’un pas vif et très déterminé. « Laisse tomber, demain ou après demain, on l’attrape lui. On sait où le trouver. » On avait l’impression que le policier était prêt à se battre, là, tout de suite, sur l’esplanade, entouré par les badauds. Comme lors d’une vulgaire altercation entre deux personnes ivres à la sortie d’une boîte de nuit. Un grand professionnel.

La personne qui m’accompagne me dit sa révolte après ce que nous venons de vivre. Elle s’imagine la situation où les policiers auraient eu affaire à deux personnes qui seraient restées moins fermes. Ou moins calmes. Sollicité par Montpellier journal, la mairie (PS) de Montpellier n’a, pour l’instant, pas donné suite. Si l’existence de ce fameux décret était confirmée – ce dont je doute fort – nous ne manquerons pas, néanmoins, d’en informer nos lecteurs. Nous avons sollicité Joëlle Verbrugge, avocate qui connaît bien le droit de la photo. Elle nous a déclaré à propos de la législation sur les images des forces de police : « Je n’ai pas connaissance d’une évolution depuis les articles que j’ai mis en ligne. » (Lire : L’image des forces de l’ordre) Tout en restant elle aussi prudente sur un décret qu’elle aurait pu louper. Si ce décret existait, il faudrait informer la CFTC Police municipale qui a repris – en toute illégalité – l’article de Montpellier journal sur les cabaniers qui contient une photo où on voit le visage… d’une policière municipale.

Résumé de notre soirée : mensonges, intimidations, délit de faciès (piercing), contrôle d’identité injustifié, tutoiement et insulte. Mieux qu’au cinéma. Et la photo en question, au fait ? Sombre et floue, par manque de lumière. La voici :

Le 19 juillet vers 11h45, deux policiers municipaux gardent deux platanes sur l'Esplanade de Montpellier (photo : Jacques-Olivier Teyssier)La seule ressource de Montpellier journal ?
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Publié dans Accès libre, Sécuritaire. Mots clés : , , .

5 commentaire(s)

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  1. lainet jacques said
    on 21 juillet 2012

    à 1 h 06 min

    Toujours intéressant de « Comparer les propositions » ,qui ont vite été abandonnées par Manuel VALLS ( de délivrer un reçu aprés un controle ce qui a déclenché une levée de boucliers ,dans le monde policier ….) ;et de CONSTATER, que les Bonnes vieilles Habitudes perdurent toujours dans le milieu du « Maintien de l ‘ordre .
    A mettre en paralléle avec le décret voté sous SARKO (n uméro 2011-795du 30 Juin 2011 relatif aux armes à feu susceptibles d ‘ etre utilisées pour le maintien de l ‘ordre public; paru au journal officiel du 1 er Juillet 2011 page 11269.
    Egalement se rappeler la proposition de la Ministre ALLIOT MARIE; proposant d ‘utiliser les Moyens Modernes de la FRANCE ( en LYBIE , afin de mater les Manifestants ) , tandis que ceux – ci contestaient le Colonel grand ami de notre ex Président.
    Ces jours – ci en ESPAGNE , une LOI vient de faire de meme pour mettre à la Raison les INDIGNES .
    Voir dans d ‘autres Pays , Russie mais aussi au Canada …..ou les MANIFESTANTS sont de plus en plus « sérieusement malmenés ); dans des conditions peu Démocratiques .

    Les Dérives se succédent de plus en plus vite .

    Jacques LAINET pour HAINAUT AVENIR ENVIRONNEMENT

  2. JB said
    on 21 juillet 2012

    à 14 h 34 min

    Pas étonné par ce comportement de Cowboys. C’est lamentable du point de vue des libertés individuelles. Mais dans ce qu’on appelle les « ‘banlieues » les habitants vivent cela au quotidien.

  3. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 21 juillet 2012

    à 17 h 35 min

    @JB : c’est bien de cela dont il s’agit. Mon cas personnel n’est intéressant que parce que j’ai la possibilité de raconter ce que j’ai vécu et de le diffuser largement.

    Ceci dit, il ne faut pas généraliser le comportement de ces deux policiers à tous les policiers municipaux et encore moins à tous les policiers nationaux. Ils sont nombreux à être très professionnels.

  4. Sébastien Nègre said
    on 30 juillet 2012

    à 12 h 45 min

    @ Jacques LAINET : MAM proposait l’apport des forces françaises aux pouvoirs algériens et tunisiens. Pas aux libyens.

    Janvier 2011 : Michèle Alliot-Marie suggère que « le savoir faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité, permette de régler des situations sécuritaires de ce type ». « C’est la raison pour laquelle nous proposons effectivement aux deux pays de permettre dans le cadre de nos coopérations d’agir pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l’assurance de la sécurité. »

  5. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 31 juillet 2012

    à 13 h 10 min

    Aux nombreux commentateurs qui ne valident pas leur adresse mail – et donc qui ne respectent pas les règles fixées sur ce site – je voudrais communiquer ce message, du chargé de communication de la police nationale en avril 2009 :

    ——– Message original ——–
    Sujet: Police Nationale – Droit à l’image
    Date : Wed, 22 Apr 2009 12:24:59 +0200
    De : NEAU Guillaume DDSP34 Etat Major
    Pour : Jacques-Olivier Teyssier

    Ce qu’il faut savoir c’est que dans l’exercice de nos missions au quotidien, nous sommes de plus en plus confrontés à la captation voire à la diffusion de notre image ou de nos paroles par des tiers.

    Or, si nous bénéfiçions, comme tout citoyen, du droit au respect de la vie privée, nous ne pouvons faire obstacle à l’enregistrement ou à la diffusion publique d’images ou de paroles à l’occasion de l’exercice de nos fonctions.

    Il est donc exclu pour nos services d’interpeller la personne effectuant un enregistrement, qu’elle appartienne à la presse ou non, ainsi que de lui retirer son matériel ou de détruire les prises de vue effectuées.

    Un policier ne peut, en principe, s’opposer à l’enregistrement ni à la diffusion d’images ou de sons.

    La liberté de l’information, qu’elle soit de la presse ou d’un simple particulier, prime le droit au respect de l’image ou de la vie privée dès lors que cette liberté n’est pas dévoyée par une atteinte à la dignité de la personne ou au secret de l’enquête ou de l’instruction.

    Nous restons très attentive aux exploitations qui pourraient en être faites.

    Cordialement,

    Guillaume NEAU