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Le Mercredi 25 septembre 2013 à 17:37

Pierre de Bousquet de Florian : un préfet « hors la loi » selon la LDH


La présidente de la Ligue des Droits de l’homme à Montpellier, Sophie Mazas, juge très sévèrement le comportement du préfet lors d’une expulsion de demandeurs d’asile somaliens le 13 septembre. Quant à Christophe Perrin de la Cimade, il pointe « un gros mensonge » du haut fonctionnaire. Le ministère de l’Intérieur a été saisi par Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade nationale. Deux courriers ont été envoyés par le Syndicat des avocats de France au préfet et au procureur de Montpellier pour qu’ils fournissent des explications sur les fondements légaux de l’évacuation et de ses suites. Il y est question d’« extrême gravité des atteintes ainsi rapportées aux libertés fondamentales ».

Pierre de Bousquet de Florian, préfet de l'Hérault, le 8 mai 2013 (photo : J.-O. T.)

« On a un préfet hors la loi », déclare Sophie Mazas. Dix jours après l’évacuation d’une dizaine de Somaliens hébergés dans des locaux destinés à héberger des étudiants étrangers le 13 septembre, la colère de cette avocate par ailleurs militante à la LDH n’est pas retombée. Car on est bien loin de l’opération précédente qui avait été menée en parfaite concertation avec les militants : le 3 juillet, un squat de la rue Du Guesclin est évacué et les mêmes Somaliens relogés par l’État. Jean-Paul Nuñez, ex militant de la Cimade qui a suivi pendant de longs mois ces demandeurs d’asile, déclarait alors, satisfait de l’opération : « C’est la démonstration que l’on peut évacuer un squat autrement que par la force. » (Midi Libre, 4/07).

« Violation du droit français »
Sauf que deux mois plus tard, l’attitude du préfet est bien différente. À l’issue de la période de logement qu’il avait annoncée comme temporaire, il envoie la police pour procéder à la « récupération » des locaux, selon le terme du communiqué de la préfecture (13/09). Pour Sophie Mazas, « cette expulsion s’est faite en violation du droit français. Il est interdit en France d’expulser des gens si on n’a pas l’autorisation d’un juge ».

La défense du préfet apparaît bancale. D’abord il affirme, dans son communiqué : « Le léger dispositif policier déployé ce matin n’avait d’autre objet que de protéger les locaux concernés contre son envahissement prévu par quelques militants. » Puis déclare à l’AFP (14/09) qu’il ne s’agissait pas « d’une expulsion, la plupart sont partis de leur plein gré, à part un qui a des antécédents psychiatriques ». Mais à France 3 (14/09) : « Nous avions pris la précaution, bien évidemment, en plus auparavant, de solliciter l’avis du tribunal administratif, s’agissant d’une simple mise à l’abri depuis deux mois et demi et en aucun cas d’un logement, nous pouvions intervenir pour mettre fin à cette mise à l’abri. » Il y a donc bien eu intervention donc expulsion.

Policiers casqués et équipés de protections
D’ailleurs, selon les militants et plusieurs témoins présents sur place, la police a bien procédé par la force à l’évacuation des locaux. Et Christophe Perrin de qualifier de « gros mensonge » la phrase du communiqué de la préfecture sur le « léger dispositif ». Il faut dire qu’aux quelques policiers présents dans la matinée, sont venus s’ajouter en début d’après-midi des policiers casqués, équipés de protections et au moins une dizaine d’agents de la Brigade anti-criminalité (sic) pour expulser les Somaliens de leur logement. Auparavant c’est à un véritable siège auquel ont assisté les personnes présentes puisque les policiers ont empêché des étudiants qui résident également dans le bâtiment, d’apporter de la nourriture aux Somaliens.

Sur la sollicitation du tribunal administratif par le préfet, Sophie Mazas s’insurge : « C’est grave ! C’est-à-dire que quand je vais passer devant le tribunal administratif contre le préfet, il va falloir que je dise que le tribunal n’est pas impartial parce que son petit copain c’est le préfet et qu’ils se permettent de se donner des avis entre eux ? Ça n’existe pas la procédure d’avis devant le tribunal administratif, ça existe devant le Conseil d’État et, dans ce cas-là, la formation qui donne un avis n’est pas la même que celle qui juge. Donc le préfet nous explique que lui joue dans la cour des grands et que les juges sont ses amis et qu’il se permet de prendre des avis auprès d’eux ? »

Débrouillez-vous
Et que sont devenus les personnes expulsées ? Lors de l’évacuation du squat Du Guesclin, Pierre de Bousquet de Florian déclarait : « Nous ne nous contentons pas de sortir les gens. On essaie de leur trouver une solution. » (Midi Libre, 4/07). Mais le 13 septembre, c’était plutôt : débrouillez-vous. Même si, comme souvent, quelques nuits d’hôtel alibi leur ont été proposées. Mais ensuite c’est : dehors. Du coup, les militants se sont organisés pour les reloger dans un nouveau squat. Jusqu’à la prochaine expulsion.

Sophie Mazas, soutenue notamment par Jean-Louis Demersseman du Syndicat des avocats de France de Montpellier, pointe deux autres violations de la loi. La première c’est que les policiers l’ont empêchée de voir ses clients somaliens. Une vidéo de Midi Libre montre bien la scène :

Après l’expulsion, les militants et des Somaliens se sont rendus au commissariat central pour déposer des plaintes pour des violences commises par les policiers sur deux Somaliens et pour « abus d’autorité » pour l’expulsion illégale. Problème : les policiers ont refusé de prendre leurs plaintes même si, selon les militants, ils ont proposé d’entrer par deux dans le commissariat. Les plaintes ont finalement été déposées par fax auprès du procureur. Et une autre plainte a été déposée par… les policiers contre Sophie Mazas pour violences. La meilleure défense serait-elle, une fois de plus l’attaque ?

Refus de dépôt de plainte
Pour Jean-Louis Demersseman, « c’est assez inédit » qu’on empêche un avocat de voir ses clients. Quant au refus de dépôt de plainte, il commente : « En 20 ans de métier, c’est la première fois que je vois que c’est affiché, assumé et matérialisé de cette manière là. » Normalement, affirme-t-il, cela se résout par un coup de fil à l’officier de police judiciaire. Pas là. Du coup le président de la section de Montpellier du Syndicat des avocats de France, Nicolas Gangloff, demande des explications par courrier au préfet et au procureur sous l’autorité duquel les policiers sont censés agir. Il demande à connaître les fondements légaux de ces trois actes : expulsion, avocate empêchée de voir ses clients, refus de prise de plaintes. L’avocat parle d’« extrême gravité des atteintes ainsi rapportées aux libertés fondamentales ». Jean-Claude Mas, le secrétaire général de la Cimade, a pour sa part demandé, le 18 septembre, des explications au ministère de l’Intérieur en l’occurrence au secrétaire général à l’intégration et à l’immigration. « Et puis je ne m’interdis pas, si je vois qu’il n’y a pas de réponse, de taper plus haut. » Mais pour l’instant, il laisse le temps au ministère d’instruire le dossier.

Ceux qui doutaient encore que ce préfet est « rude » pour reprendre le terme de Jean-Paul Nuñez, savent maintenant de quoi Pierre de Bousquet de Florian est capable. « Certains policiers nous ont dit : ‘Le préfet a fait une affaire personnelle de cette évacuation’ », rapporte Christophe Perrin. Ou encore, dans la matinée : « Le préfet a dit : ‘Personne ne rentre.’ » Bref le haut fonctionnaire aura du mal à faire porter le chapeau aux policiers alors que visiblement il supervisait l’opération via Christophe Gay, son chef de bureau du cabinet, présent sur place. Plus généralement, le militant de la Cimade analyse : « Au nom des raisons budgétaires, j’ai l’impression qu’il y a des limites qui se franchissent. Il y a un système, les agents sont obligés de dériver avec le système. »

Pourtant, selon Christophe Perrin, des solutions d’hébergement collectif seraient bien moins coûteuses (-30 % selon lui) à mettre en place pour décongestionner l’hébergement – de droit – pour les demandeurs d’asile que les solutions de court terme où l’on voit parfois des gens hébergés dans des hôtels « depuis des années ». Et de citer, par exemple, la gendarmerie de Castelnau-le-Lez aujourd’hui inutilisée et qui pourrait être aménagée. Un symbole ?

► Sollicités par Montpellier journal, ni la préfecture ni le procureur n’ont donné suite.

[Màj le 26/09 avec la plainte de policiers contre Sophie Mazas suite à la remarque d'un abonné.]

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Publié dans Accès libre, Politique, Social. Mots clés : , , , , , , , , , .

2 commentaire(s)

Suivre les commentaires de cet article

  1. Philogm said
    on 25 septembre 2013

    à 22 h 39 min

    De plus, si j’ai bien compris, les policiers ont porté plainte contre Sophie Mazas pour violences (lors de sa tentative de visiter ses clients…) Est-ce confirmé ?

    Mais peut-être ont-ils eu honte et la plainte a été retirée ?

  2. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 26 septembre 2013

    à 8 h 05 min

    Bonne remarque, c’est un oubli de ma part. Mardi la plainte était toujours déposée. Je mets l’article à jour.