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Le Lundi 12 mars 2012 à 19:56

L’entourage de Christian Bourquin met la pression sur France bleu Roussillon


Une nouvelle démonstration de la difficulté d’accepter, pour le président (PS) de la région Languedoc-Roussillon et ses proches, l’existence de médias un tant soit peu incisifs ? En tout cas le président de Radio France a été mis dans la boucle.

Rémy Vernier et Christian Bourquin le 8 ocobre 2010 lors de l'inauguration des nouveaux locaux du Club de la presse de Montpellier (photo : J.-O. T.)La liberté de la presse et d’expression, c’est toujours facile à défendre en paroles. Au nom du président de la région Languedoc-Roussillon, sa vice-présidente Josiane Collerais (ex PC) déclarait ainsi le 4 octobre 2011 lors d’une conférence de presse (1) : « Cette année je compte poursuivre mes engagements à défendre les valeurs de la diversité et des opinions. Sincèrement, vraiment, vous pouvez compter sur moi. Les médias dans leur ensemble peuvent compter sur le président Christian Bourquin, moi-même et tous les élus régionaux. » Et l’élue de qualifier la région d’ « espace du propos ouvert et multiple ».

Affaire Synthèse
Dans les faits, c’est évidemment un petit peu plus compliqué. Montpellier journal avait déjà raconté les déboires des l’hebdomadaires La semaine du Roussillon et Le travailleur catalan ou du site Perpignan-toutvabien avec le conseil général des Pyrénées-orientales (CG66) anciennement présidé par Christian Bourquin et sur lequel il garde aujourd’hui plus qu’un œil. Un nouveau média vient allonger cette liste déjà longue : France bleu Roussillon. La particularité de la station catalane est d’être un petit peu plus incisive que France bleu Hérault. Ainsi, le 8 décembre, alors que va se tenir le procès de Christian Bourquin dans l’affaire Synthèse, France bleu Roussillon invite Antoine Gasquez, le rédacteur en chef de La semaine du Roussillon, l’hebdo qui a révélé le favoritisme pour lequel le président de région a été condamné à deux mois de prison avec sursis.

Élisabeth Badinier, la rédactrice en chef de la station catalane, en profite pour glisser : « Le conseil général [des Pyrénées-orientales] a des rapports très particuliers avec la presse. Vous en avez fait et vous en faites encore les frais à La semaine du Roussillon. Nous aussi, à France Bleu Roussillon, on subit cette politique un peu particulière avec des refus d’interview ou carrément pas de réponse. » De quoi attiser la curiosité de Montpellier journal. Et après enquête, il s’avère que « cette politique un peu particulère » va bien plus loin que de simples refus d’interview.

Sanction financière
Ceux-ci existent et cela fait bien longtemps que Christian Bourquin n’a plus accepté d’invitation à venir s’exprimer sur les ondes de Bleu Roussillon. Idem pour la nouvelle présidente du conseil général des P.-O., Hermeline Malherbe. Sanction financière également : la région ne prend plus de publicité à la station contrairement à ce qu’elle fait pour France Bleu Hérault et Bleu Gard. Dans tous ces exemples, on est, une nouvelle fois, bien loin de l’intérêt, souvent avancé par les politiques, qu’il y aurait à « vendre » dans les médias les actions de l’institution qu’ils président.

Mais l’action des proches de Christian Bourquin – car celui-ci se garde bien d’agir directement – ne s’arrête pas là. En un an, ils ont écrit ou téléphoné à plusieurs reprises au directeur de la station, Pierre Galibert, pour se plaindre du traitement de l’information et donc faire indirectement pression sur la rédaction de Bleu Roussillon. La première fois c’était suite à un incident au soir du premier tour des cantonales. Le 20 mars 2011, Bleu Roussillon a installé un studio au sein de l’hôtel du département à Perpignan. Lorsque vient le moment d’interviewer Louis Alliot, vice-président du FN, conseiller régional, compagnon de Marine Le Pen et candidat dans le quartier populaire du Bas-Vernet (34,6 % au premier tour contre 18 % à la candidate PS Toussainte Calabrese et 16,4 % à Jean-Louis de Noell (UMP)), des huées et des cris se font entendre dans l’assistance.

« La fronde venait d’une élue de la République »
Quelques jours plus tard, Louis Alliot annoncera son intention de porter plainte pour « injures publiques, intimidations et menaces » (AFP, 23/03). Quant à Élisabeth Badinier, elle fera un papier d’analyse où elle déclarera notamment : « Cette plainte contre X sert bien évidemment les intérêts du Front national, le parti joue encore sur le terrain de la victimisation, mais il faut reconnaître que l’attitude des militants socialistes ce soir-là n’avait rien d’exemplaire, surtout lorsqu’on sait que la fronde venait d’une élue de la République. Ce soir-là manifestement ces gens-là ont confondu l’hôtel du département avec la permanence du parti socialiste. Ils font sans aucun doute le jeu du front national. Ce n’est certainement pas en niant son existence ou en le bâillonnant qu’on combat un parti quel qu’il soit. Le combat politique et démocratique ce serait plutôt tenter de comprendre pourquoi plus d’un millier d’électeurs du Bas Vernet ont voté pour Louis Aliot dimanche. »

Dans un courrier recommandé avec accusé de réception adressé à Pierre Galibert, Hermeline Malherbe, la présidente du CG66 se dit « choquée » de la façon dont la rédaction a relaté ces événements. L’élue cite l’exemple du papier d’Élisabeth Badinier et précise que l’hôtel du département n’était « en aucun cas réservé aux adhérents de quelque parti que ce soit ». Et pour que la pression soit bien claire, l’élue met en copie de son courrier Claude Perrier, le délégué régional Sud-Méditerranée et… Jean-Luc Hees, le pdg de Radio-France !

Directeur adjoint de cabinet à la région
Le tout a été doublé d’appels de Rémy Vernier au directeur de Bleu Roussillon et à Claude Perrier. Rémy Vernier, ancien directeur de la communication au conseil général, n’avait pourtant, à l’époque, plus aucun lien avec le CG66 puisqu’il est depuis janvier 2011, directeur adjoint de cabinet à la région. Un droit de réponse sera également demandé par Jacques Cresta. En mars, l’ancien premier fédéral du PS est toujours exclu pour cause de présence sur la liste Frêche aux régionales de 2010 et n’a donc, lui non plus, aucune légitimité pour agir de la sorte.

Sur le fond, soulignons également que Ségolène Neuville, une amie très proche de Christian Bourquin et vice-présidente (PS) du conseil général, était en photo de L’Indépendant le lendemain du premier tour des cantonales, les mains en porte voix à quelques mètres de Louis Alliot. De quoi valider les propos d’Élisabeth Badinier qui disait que « la fronde venait d’une élue de la République ».

« Un élu condamné doit-il démissionner ? »
Quelques mois plus tard, nouvel épisode de tensions avec la condamnation de Christian Bourquin dans l’affaire Synthèse. Le 13 janvier, Bleu Roussillon donne la parole à ses auditeurs et leur demande : « Un élu condamné doit-il démissionner ? » La question est d’autant plus pertinente qu’Europe-écologie-Les-Verts a demandé, dès le verdict connu, la démission de Christian Bourquin. Le communiqué des écologistes fera même l’objet d’une dépêche AFP. De plus, la question ne vise pas uniquement Christian Bourquin mais tout élu condamné.

Cela n’empêche pas Rémy Vernier de se fâcher à nouveau tout rouge et d’appeler Pierre Galibert, Claude Perrier et non pas Jean-Luc Hees cette fois mais le n°2 de Radio-France. Et le directeur de cabinet de Christian Bourquin de se plaindre également du sondage Internet réalisé par Bleu Roussillon qui posera la même question et qui donnera pourtant 91 % contre la démission d’un homme politique condamné. Ce qui, au passage, met une nouvelle fois en doute la fiabilité de tels sondages qui peuvent être aisément « piratés » avec des petites mains frénétiquement cliqueuses. Du côté des auditeurs passés à l’antenne, on comptera une dizaine contre la démission et trois pour. Cela ne suffira pas à Rémy Vernier pour qui visiblement le simple fait de poser la question de la démission relève déjà du crime de lèse-majesté. On voit que la région est bien un « espace du propos ouvert et multiple ».

Montpellier journal contacte Pierre Galibert et lui expose tous les faits décrits ci-dessus : refus ou non réponse aux demandes d’interviews, pas de publicité, courriers d’Hermeline Malherbe, coups de fil de Rémy Vernier. Réaction du directeur de Bleu Roussillon : « Je ne souhaite pas polémiquer sur ce sujet mais les faits que vous exposez sont exacts. »

► Sollicités ni Rémy Vernier, ni Claude Perrier n’ont donné suite aux sollicitations de Montpellier journal.

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(1) Il s’agissait d’annoncer le renouvellement de l’aide de la région Languedoc-Roussillon aux radios associatives.


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