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Le Lundi 27 octobre 2008 à 23:39

Tram ligne 2 : l’agglo ne parvient pas à masquer la réalité


La collectivité vante le succès de la ligne 2 de tramway. Mais l’étude précise des chiffres qu’elle a elle-même publiés, montre une toute autre réalité. Au delà de cette arithmétique aride, c’est le futur visage de Montpellier qui se dessine mais aussi les méthodes de communication de l’agglomération et de son président. Il nous paraît donc important de s’y intéresser.

« On est tellement écrasé par le succès du tramway qu’on en oublie presque qu’il y a d’autres modes de transport. » Ainsi s’exprime Robert Subra lors d’une opération de communication de l’agglo (Midi Libre,19/10). On aurait presque envie de rappeler au vice-président de l’agglo chargé des transports la phrase en exergue de sa page d’élu : « Ce n’est pas la vache qui remue le plus la queue qui fait le plus de lait. » Car Robert Subra (1) a beau s’auto-congratuler, le succès de fréquentation de la ligne 2, à l’inverse de celui de la ligne 1, est plus que contestable. Tout du moins sur le tronçon Corum-gare, souvent appelé « boucle du lez ».

« Vive les tramophiles menteurs »
En effet, les chiffres de fréquentation sont loin d’avoir dépassé les prévisions. Tout au plus les ont-ils atteintes. Et sans la vigilance de militants associatifs, la communication massive de l’agglo finirait-elle sans doute par remplacer les faits. Mais ceux-ci sont parfois têtus, tout comme les militants, d’ailleurs. On peut ainsi lire dans l’article de Midi Libre cité ci-dessus : « Un succès qui passe évidemment par celui du tramway et de ses 180 000 voyageurs par jour. 125 000 sur la ligne 1 et 55 000 (contre un objectif de 38 000) pour la ligne 2. » Ce qui vaudra au quotidien un courrier salé d’Éric Boisseau dans lequel le président de l’Association pour le développement des transports en commun de l’Hérault écrit en titre : « Vive les tramophiles menteurs » (2). Car, on le verra plus loin, au delà d’une simple bataille de chiffres, c’est l’urbanisme de la ville et le trafic automobile qui est en jeu. Deux thèmes centraux dans une agglomération, et en particulier à Montpellier où la croissance démographique est forte.

Il faut donc revenir aux chiffres qui sont plus que bancals. À commencer par la prévision de fréquentation de la ligne 2. Ce chiffre de 38 000 avancé par Georges Frêche le 18 octobre (2) est tellement farfelu qu’il a fini par être démenti par ses propres services. Questionnés par Montpellier journal, le 21 octobre, sur la validité de ces chiffres, ils ont répondu, 6 jours plus tard, que « la prévision initiale ligne 2 était de 52 000 voyageurs/jour. Prévision aujourd’hui dépassée avec une fréquentation moyenne de 55 000/jour ». Cette clarification est bienvenue car malgré les réactions répétées d’Édouard Paris aux communications de chiffres changeants, la TAM et l’agglo continuaient de minimiser les prévisions de fréquentation pour, bien sûr, pouvoir se vanter de les avoir dépassées.

Vérification aisée
Ainsi, après la lecture de Midi Libre du 19 décembre 2007, soit un an après l’inauguration de la ligne 2, l’auteur du site indépendant s’énerve-t-il : « Une fois de plus, Marc Le Tourneur, le directeur des Transports de l’agglomération de Montpellier (TAM) et Robert Subra, l’élu chargé du dossier de l’agglo, mentent aux lecteurs du quotidien en déclarant que le chiffre de 47 000 à 48 000 voyageurs enregistré quotidiennement sur la ligne 2 « est déjà au-dessus des prévisions. L’objectif étant de dépasser la barre des 50 000 au bout de deux ou trois ans de fonctionnement.»«  La vérification du mensonge est aisée, il suffit de lire page 10 du dossier de presse de l’inauguration de la ligne fleurie et encore consultable sur le site de l’agglo : « Dès sa mise en service, le trafic prévu est de 52 000 voyageurs par jour. » Dés sa mise en service et non « au bout de deux ou trois ans de fonctionnement ».

Les mensonges (ou les erreurs) de Marc Le Tourneur et de Robert Subra sont donc avérés : un an après sa mise en service la fréquentation de la ligne 2 était environ 10 % inférieure aux prévisions de démarrage. Un an après ! Mais alors qu’en était-il à la mise en service ? Car les 52 000 s’entendent au démarrage de la ligne. La réponse se trouve dans le dossier de « la conférence de presse transports » du 1er février 2007 , soit un mois et demi après la mise en service. Page 15 : « Depuis sa mise en service le 16 décembre dernier, et conformément aux prévisions de fréquentation, la ligne 2 poursuit son développement. Sa fréquentation atteint 35 000 à 37 000 voyageurs par jour [...]«  Puis un mois plus tard dans un communiqué (16/03/07) : « Depuis ces quinze derniers jours, entre 35 000 et 37 000 passagers empruntent chaque jour le tramway à fleurs. » Bref, la fréquentation est inférieure de 30 % par rapport aux prévisions. Une paille.

Quelle crédibilité pour la collectivité ?
Et ce n’est pas fini. Car on peut aussi s’interroger sur la réalité des 55 000 voyageurs avancés aujourd’hui officiellement par l’agglo. Dans la fiche de presse datée du 18 octobre 2008 , il est annoncé 180 000 voyageurs pour les deux lignes qui se décomposent en 135 000 pour la ligne 1 et… 55 000 pour la ligne 2. Or, comme le souligne Édouard Paris, 55 + 135 = 190 et non 180 000. Dans son article du 18 octobre, Midi Libre corrige l’erreur de calcul de la fiche en avançant 125 000 pour la ligne 1. Et si c’était plutôt les 55 000 qui étaient surévalués toujours pour célébrer un prétendu succès de la ligne 2 ? À l’appui de cette hypothèse, on peut à nouveau citer le dossier de presse d’inauguration de la ligne 2 où l’on peut lire (16/12/06) : « Le tramway aux hirondelles est passé à 130 000 en 2006, avec un pic record à 137 500 voyageurs/jours enregistré le 5 octobre dernier. » Il y a donc deux ans, la fréquentation de la ligne 1 était supérieure à 130 000. L’agglo dira sans doute que c’est le chiffre de 180 000 qui est erroné. Mais quelle crédibilité aura la collectivité après cette avalanche de chiffres bancals ?

Cela est d’autant plus préoccupant que lors des enquêtes publiques, c’est l’agglo et TAM qui fournissent aux commissaires enquêteurs les chiffres de prévision de trafic qui permettent de justifier tel tracé plutôt que tel autre. Et sur ce point, ceux-ci ne peuvent qu’avouer leur impuissance. Ainsi, dans un courrier au préfet, le président de la commission d’enquête de la ligne 2 constate (12/04/04 ) « que sur les bases des argumentations et des éléments communiqués par le Maître Ouvrage [l'agglo et TAM, ndlr] dans cette étude complémentaire ( éléments que la Commission d’enquête n’a pas les moyens d’apprécier la valeur et l’importance) le tracé de référence semble rester le meilleur tracé sur le plan de l’attractivité et la rentabilité socio-économique. » Tout est dans ce « semble » qui engage tout de même environ 400 M€ et structure la ville pour des décennies. Et on ne parle pas des chiffres de fréquentation réelle qui ne sont connus que de TAM via les composteurs.

100 M€
Pour bien comprendre l’enjeu de cette bataille sur le nombre de voyageurs prévus et actuels dans les rames à fleurs, il faut se souvenir du combat mené par le Collectif tramway contre le tracé de la ligne 2. Et en particulier, contre la boucle du Lez. À ce tracé tortueux, les militants associatifs opposent un passage par le bd Henri IV et le Jeu de Paume. Sans succès. Aujourd’hui, force est de constater que la réalité leur donne raison : le tronçon Corum-Gare est sous fréquenté (3) et a coûté, selon Éric Boisseau, 100 M€ de plus.

Pas étonnant que l’article de Midi Libre cité plus haut ait fait réagir le militant. Car celui-ci se bat pour que le tramway soit une vraie alternative à la voiture. Il milite donc pour un tramway capable de concurrencer l’automobile notamment par des tracés les plus rapides possibles. Tout à l’opposé de la boucle du Lez. Alors pourquoi un tel tracé ? Parce que l’objectif prioritaire de Georges Frêche, selon Éric Boisseau, ne serait pas de répondre à un besoin de transport mais plutôt de « contribuer à la structuration d’une cité décentrée permise par l’urbanisation le long du tram ». Comprendre : le déplacement du centre de Montpellier à Port Marianne. Le militant cite aussi le tracé de la ligne 3 qui fait un détour par Près d’Arènes en vue de faciliter la réhabilitation de ce quartier au détriment de la vitesse de déplacement du tram d’un point à un autre. Les voitures risquent d’avoir encore de beaux jours devant elles.

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(1) Nous avons sollicité un entretien avec Robert Subra, sans succès.
(2) Contacté par Montpellier journal, Yannick Povillon, l’auteur de l’article reconnait qu’il aurait dû mettre ce chiffre entre guillemets et indiquer qu’il avait été communiqué, ce jour-là, par Georges Frêche. Le journaliste affirme, par ailleurs, que ce chiffre a été prononcé par le président de l’agglo devant plusieurs témoins.
(3) Par exemple : 24 personnes vendredi 24 octobre à 10h30 en direction du Corum et 27 le même jour à 11h04 vers la gare pour une capacité de la rame de 211 voyageurs. Le même jour, vers 18h, les rames étaient remplies à environ 50% de leur capacité.

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2 commentaire(s)

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  1. Anonymous said
    on 28 octobre 2008

    à 18 h 10 min

    Pas très nouveau ni étonnant…De nombreux chiffres de fréquentation donnés par l’agglomération de Montpellier sont grossis…comme les expositions du musée Fabre…

  2. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 28 octobre 2008

    à 18 h 18 min

    L’idée était de travailler sur les chiffres pour l’établir une bonne fois. Les journalistes qui, souvent par manque de moyen et donc de temps, reprennent les infos de l’agglo ne pourront plus dire qu’ils ne savaient pas.
    Quant au musée Fabre, n’hésitez pas à m’envoyer des précisions par courriel.