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Le Jeudi 8 septembre 2016 à 16:56

« Comment tout peut s’effondrer »


C’est le titre d’un livre court et percutant (1) qui ne devrait pas vous laisser indifférent. La question n’est plus aujourd’hui de savoir dans quel monde les générations futures vont vivre mais combien d’années nous séparent de l’effondrement de notre civilisation – s’il n’a pas déjà commencé. L’accumulation de données et le panorama balayant plusieurs domaines (matières premières, climat, économie, finance, démographie, etc.) laissent peu de doute au lecteur sur l’avenir proche que nous nous sommes réservé. (2 130 mots)

Par Jacques-Olivier Teyssier

Extrait de la couverture de "Comment tout peut s'effondrer" de Pablo Servigne et Raphaël Stevens

À la lecture de ce petit livre de 300 pages – dont 25 pages de notes et références – on se dit que le titre aurait pu tout aussi bien être : « Pourquoi tout va s’effondrer ». Car, pour ses auteurs, l’effondrement de notre civilisation ne fait pas de doute : « Est aujourd’hui utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant », avancent-ils. À ceux qui ne lisent plus de livres sur l’état de la planète car ils pensent en savoir déjà assez, on conseille quand même la lecture de cet ouvrage sorti au printemps 2015.

Obstacles infranchissables
Car dans les 160 premières pages, Pablo Servigne et Raphaël Stevens dressent un état des lieux beaucoup plus sombre que ce que pouvait avoir en tête une personne considérée comme pessimiste : ils rassemblent dans un même ouvrage un grand nombre d’obstacles infranchissables que notre civilisation a devant elle (l’énergie, le climat, la biodiversité, la démographie, la finance, l’économie interconnectée, les matières premières, les infrastructures, etc.). Et ils ne présentent pas de solutions pour éviter l’inévitable effondrement mais seulement des pistes pour s’y préparer au mieux.

Même s’ils affirment qu’il ne s’agit pas d’un « livre destiné à faire peur », ils préviennent plus loin : « Le sujet de l’effondrement est un sujet toxique qui vous atteint au plus profond de votre être. C’est un énorme choc qui dézingue les rêves. » Et c’est effectivement ce qu’on peut ressentir à la lecture de ce livre. « Une claque », dira un ami après sa lecture. Mais les auteurs tentent de rassurer : « Au cours de ces années de recherches, nous avons été submergés par des vagues d’anxiété, de colère et de profonde tristesse, avant de ressentir, très progressivement, une certaine acceptation, et même, parfois, de l’espoir et de la joie. » Parfois, donc.

Le livre débute par un panorama de nos sociétés sous forme de deux tableaux de bords publiés dans l’Anthropocene Review en janvier 2015. Voir ces courbes qui montrent que nous vivons dans « un monde d’exponentielles », est déjà frappant (cliquer pour agrandir) :

 

Six Arabie Saoudite
Vient ensuite plus spécifiquement la question de l’énergie. Avec bien sûr le pic de la production de pétrole que nous avons franchi en 2006 selon l’Agence internationale de l’énergie, pourtant « réputée pour son optimisme en matière de réserves pétrolières ». Ainsi : « Dans les années 1960, pour chaque baril consommé, l’industrie en découvrait six. Aujourd’hui, avec une technologie de plus en plus performante, le monde consomme sept barils pour chaque baril découvert. » Ou encore : « D’ici une quinzaine d’années, pour se maintenir, l’industrie devra donc trouver un flux de 60 millions de barils/jour, soit l’équivalent de la capacité journalière de six Arabie Saoudite ! » Rien de bien neuf, diront les habitués du sujet.

Mais « en haut du pic, il y a un mur » : le taux de retour énergétique (TRE) c’est-à-dire la quantité d’énergie qu’il faut investir pour en récolter une autre quantité. « Au début du XXe siècle, le pétrole étasunien avait un fantastique TRE de 100:1 (pour une unité d’énergie investie, on en récupérait 100). » Aujourd’hui ? « 11:1 » Même chose pour les autres sources d’énergie : « Tous ces TRE sont non seulement en déclin, mais en déclin qui s’accélère, car il faut toujours creuser de plus en plus profond, aller de plus en plus loin en mer et utiliser des techniques et infrastructures de plus en plus coûteuses pour maintenir le niveau de production. »

Pas assez de puissance
Les énergies renouvelables qui devraient nous sauver ? Elles ont un TRE trop bas (sauf l’hydroélectricité mais qui restera marginale) donc elles « n’ont pas assez de puissance pour compenser le déclin des énergies fossiles, et il n’y a pas assez d’énergies fossiles (et de minerais) pour développer massivement les énergies renouvelables de façon à compenser le déclin annoncé des énergies fossiles ». Et de citer les conclusions d’une étude qui indique que « lorsque le TRE du combustible fossile passe sous la barre de 10:1, les prix augmentent de manière non-linéaire, autrement dit de manière exponentielle ». Aujourd’hui, « le TRE moyen de la production mondiale de pétrole conventionnel se situe entre 10:1 et 20:1 ».

Mais entre le pic et le mur, il y a… « un précipice » préviennent les auteurs : le système financier « intimement » lié au système énergétique. En réalité, la question n’est pas les réserves ou le TRE mais « le temps que notre système économique interconnecté peut encore tenir », selon Gail Tverberg, spécialiste de l’économie de l’énergie, citée dans le livre.

« Les prédictions les plus alarmantes deviennent des réalités »
Vient ensuite la question du réchauffement climatique et le dernier rapport du GIEC qui « confirme la « règle » qui veut que les prédictions les plus alarmantes des précédents rapports deviennent des réalités ». Problème : le rapport « ne prend pas en compte les effets amplificateurs des nombreuses boucles de rétroactions climatiques, comme la libération de grandes quantités de méthane dues au dégel du pergélisol (d’où l’optimisme récurrent des différentes versions des rapports). Or, ces boucles sont susceptibles de se déclencher à partir de + 3 °C ou + 4 °C ».

La biodiversité ? « Bien entendu, les extinctions d’espèces sont des phénomènes naturels, tout comme l’apparition de nouvelles espèces. Mais le problème est que le taux de disparition a explosé. Une estimation récente montre qu’il est aujourd’hui au moins 1 000 fois plus élevé que la moyenne géologique relevée sur les fossiles et qu’il est en forte et constante augmentation. » Mais – oh surpise – il y a pire : « Une étude publiée en 2013 a montré que la disparition des interactions écologiques (« extinctions fonctionnelles ») précède les extinctions de populations. Autrement dit, une espèce (la loutre, par exemple) perd déjà des « liens » avec ses voisines dès le début du déclin, faisant disparaître (dans 80 % des cas) d’autres espèces autour d’elle bien avant qu’elle n’ait elle-même disparu ! »

Le bois ?
Sans compter qu’en l’absence d’énergies fossiles bon marché « les populations du monde entier se rueront sur les forêts pour trouver – dans l’urgence – un peu de gibier, des terres arables et surtout du bois de chauffe, comme on a pu le constater en Grèce depuis le début de la crise économique. Le bois servira probablement aussi à maintenir un semblant d’activité industrielle, sachant qu’ ‘il faut environ 50 m3 de bois pour fondre 1 tonne de fer, soit une année de production soutenable de 10 hectares de forêt’ ».

À toutes ces limites et frontières, s’ajoutent des effets de seuil et des verrouillages technologiques. Les premiers font que l’effondrement d’un écosystème n’est pas linéaire. Un peu comme un interrupteur « sur lequel on exerce une pression croissante : au début il ne bouge pas, augmentez et maintenez la pression, il ne bouge toujours pas, et à un moment donné, clic ! Il bascule vers un état totalement différent de l’état initial. Juste avant le déclic, on sentait que l’interrupteur sous pression était prêt à céder, mais on ne pouvait pas en prévoir le moment exact ». Exemple : « Dans les forêts des régions semi-arides, il suffit de dépasser un certain niveau de disparition du couvert végétal pour que les sols s’assèchent un peu trop et provoquent l’apparition brutale d’un désert, qui empêche toute végétation de repousser. » À quel niveau de pression sur tel ou tel interrupteur sommes-nous ?

Verrouillages gigantesques
Avec les verrouillages technologiques, même lorsque de meilleures solutions techniques existent, elles ne sont pas utilisées du fait des habitudes prises et du poids du passé. Exemple cité : le clavier AZERTY a été conçu pour les machines à écrire. Aujourd’hui, on continue à l’utiliser sur les ordinateurs alors que le clavier DVORAK est plus performant. Idem pour l’agriculture industrielle par rapport à l’agroécologie ou la permaculture. Le système électrique et l’automobile sont deux autres exemples cités. Bien sûr « certains verrouillages finissent un jour ou l’autre par sauter. En fait, ils ne font souvent que retarder les transitions. Le problème aujourd’hui est que nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre, et que les verrouillages sont devenus gigantesques. »

Après un tel tableau, vient la conclusion des auteurs : « Ainsi, comme de nombreux économistes, climatologues, physiciens, agronomes, écologues, militaires, journalistes, philosophes, ou même politiciens (dont quelques citations ont été mises en exergue de ce livre), nous en déduisons que notre société peut s’effondrer dans un avenir proche. […] Le tableau est devenu si évident, massif et étouffant, que si, par hasard, certains chercheurs se sont trompés sur leurs conclusions, si l’un ou l’autre chiffre est faux, ou si nous nous sommes fourvoyés dans une quelconque interprétation, le raisonnement reste sensiblement le même. Le constat est finalement très résilient ! »

Inégalités et démographie
Autre façon d’aborder le problème : les modèles mathématiques et informatiques. Les auteurs en citent deux. Le premier : « De manière générale, ce que montre HANDY est qu’une forte stratification sociale rend difficilement évitable un effondrement de civilisation. La seule manière d’éviter cette issue serait donc de réduire les inégalités économiques au sein d’une population et de mettre en place des mesures qui visent à maintenir la démographie en dessous d’un niveau critique. » On semble plutôt prendre le chemin inverse.

Second modèle, World3 utilisé pour le « rapport au Club de Rome » (1972). Qualifié de « robuste », il a été « corroboré par 40 ans de faits ». « Le premier résultat, appelé « standard run » et considéré comme le scénario « business as usual », a mis en évidence que notre système était extrêmement instable, et décrit un effondrement généralisé au cours du XXIe siècle. Entre 2015 et 2025, l’économie et la production agricole décrochent et s’effondrent totalement avant la fin du siècle, à un rythme plus rapide que la croissance exponentielle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. À partir de 2030, la population humaine se met à décroître « de manière incontrôlée » pour atteindre environ la moitié de son maximum à la fin du siècle, soit environ 4 milliards d’êtres humains (ces chiffres sont approximatifs, ils donnent des ordres de grandeur). […] Malheureusement presque tous les scénarios alternatifs ont mené à des effondrements, parfois plus catastrophiques que le premier. La seule manière de rendre notre « monde » stable, c’est-à-dire de déboucher sur une civilisation « soutenable », était de mettre en place toutes ces mesures simultanément et de commencer dès les années 1980 ! » Mince, nous sommes en 2016.

2100, 2020 ou 2030 ?
Mais alors, c’est pour quand ? Les auteurs refusent de se prononcer. Mais on comprend qu’entre 2100, 2020 ou 2030, leur intuition les pousse à choisir les deux dates plus proches. Et le lecteur, après avoir lu un tel état des lieux, risque d’avoir, lui aussi, du mal à choisir la date la plus éloignée. Il n’est donc plus question de la vie des générations futures mais bien de notre propre existence ici et très bientôt.

Mais alors quoi faire ? « La fenêtre d’opportunité que nous avions pour éviter un effondrement global est en train de se refermer. Ainsi, dans sa tournée européenne en 2011-2012, Dennis Meadows, plus pessimiste que jamais, répétait dans les interviews, et dans un article qu’il a écrit pour l’institut Momentum : Il est trop tard pour le développement durable, il faut se préparer aux chocs et construire dans l’urgence des petits systèmes résilients.’ » Cette phrase pourrait résumer les pages où la question « maintenant qu’on y croit, on fait quoi ? » Mais il ne s’agit que de quelques pages et le lecteur qui y cherchera des recettes toutes prêtes risque d’être déçu.

Une chose est sûre, passer son temps sur la question des Pokemon, du burkini, les primaires du PS et de la droite, la démission d’Emmanuel Macron, etc., etc. risque de nous détourner de questions qui devraient pourtant être au centre des réflexions des décideurs et en particulier de la présidentielle à venir. On peut rêver et le livre explique pourquoi ça ne peut pas être le cas.

Plus près de nous, on pourra juger, à l’aune de ce qui précède, les priorités des équipes qui dirigent les collectivités locales : nom de la région, doublement de l’A9, construction du barreau autoroutier ouest (A9-A750), subventions – illégales – aux compagnies aériennes low cost, gare de la Mogère, Aqua domitia, arrêté anti-prostitution, réfection du Peyrou, nouveau stade de foot, Smart city, nouveau stade de handball, éclairage du stade de rugby (1,98 M€), quartier Oz (300 ha), aides aux clubs sportifs professionnels (minimum 12 M€ par an), zone commerciale et de loisir Ode, vidéosurveillance, augmentation du nombre de policiers, Frenchtech, parc multi-glisse de Baillargues (14 M€), jumelage avec Palerme, Tour de France, Miss France, etc.

______________
(1) Comment tout peut s’effondrer, Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Seuil, avril 2015, 299 pages, 19 €

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Publié dans Accès libre, Environnement. Mots clés : , .

11 commentaire(s)

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  1. Bandini said
    on 8 septembre 2016

    à 17 h 41 min

    Ça recoupe complètement un édito d’un certain Jacques Attali que certains relaient en ce moment sur les réseaux. Et cette proximité d’opinion de Montpellier Journal avec LE plus grand penseur français (après Emmanuel Macron) m’inquiète au plus haut point : http://www.attali.com/actualite/blog/geopolitique/nous-mourrons-de-nos-eclats-de-rire-2

  2. Falafel said
    on 8 septembre 2016

    à 21 h 50 min

    Sans vouloir me faire l’avocat de Montpellier Journal, je trouve injuste cet amalgame.

    J’ai bien lu l’édito de Jacques Attali et, si je vois une proximité avec ce qui est écrit ici, c’est uniquement sur le constat amer que le monde médiatique est futile. Quelques exemples de la futilité sont les mêmes mais les exemples de préoccupation sont assez nettement différents, en tous cas ils sont dans cet article mieux précisés que dans l’édito d’Attali qui se contente comme à son habitude d’aligner des généralités. « attentat, [...] crise financière, [...] sécheresse ou toute autre catastrophe que l’Histoire inventera ».
    Cette dernière formulation qui met tout au même niveau dans la créativité de l’Histoire je ne la retrouve pas dans l’article de Montpellier Journal.
    Enfin dans Montpellier Journal la politique spectacle n’est pas dénoncé par un personnage qui susurre à l’oreille des présidents ce qu’il ressasse à longueur d’éditos et dénonce le système médiatique dans les éditos tout en passant de plateaux télés en conférences rémunérées, d’expertises pour think tank en rapport parlementaires, .

  3. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 8 septembre 2016

    à 23 h 06 min

    Bandini : ne résume pas cet article à ses deux derniers paragraphes. L’essentiel est avant. Et surtout dans le livre et dans les nombreuses références citées notamment le rapport du Club de Rome. Mais j’imagine que tu as déjà été chez ton libraire préféré…

    Pour répondre sur J. Attali : dans le livre, il est dit qu’il n’y a rien à attendre des politiques voire même qu’il vaut mieux qu’ils ne fassent rien (si, si).
    Et que de toute façon il est trop tard. Alors que J. Attali semble dire qu’ils pourraient encore faire quelque chose. En fait, les dirigeants auraient pu faire quelque chose. Mais c’était 40 ans en arrière. Pile quand Jacques Attali a commencé à collaborer avec François Mitterrand…

  4. mjulier said
    on 9 septembre 2016

    à 22 h 58 min

    Ce qui est impressionnant, c’est surtout que le Club de Rome a vu juste dès 1972 dans son « Les limites de la croissance » (traduit en « Halte à la croissance? »). Il faut dire que les croissances exponentielles amènent obligatoirement à des catastrophes, et qu’une petite erreur sur le taux de croissance ou sur le niveau de la limite ne change pas fondamentalement la conclusion. Le Club de Rome ne savait pas que le changement climatique nous frapperait avant l’épuisement des énergies fossiles, mais ça ne décale la catastrophe que de quelques décennies au maximum.

    La leçon que devraient retenir tous les économistes et tous les politiciens, c’est qu’il est criminel de réclamer une croissance continue. Sauf si c’est une croissance d’une chose non matérielle, par exemple une hausse continue des prix c’est possible, mais pas une hausse continue de la production matérielle.

    Nous sommes dans une société qui ne sait pas répartir les richesses, et qui compte sur une croissance infinie pour masquer ce problème (afin que les riches puissent s’enrichir indéfiniment sans que les pauvres ne meurent de faim). C’est une erreur. Une économie saine devrait continuer à fonctionner, que la production soit en croissance, stable, ou en baisse: lorsqu’une famille subit une baisse de revenu, elle s’adapte, alors pourquoi un pays ne pourrait-il pas s’y adapter lui aussi?

  5. Philogm said
    on 10 septembre 2016

    à 19 h 50 min

    Bonjour,

    je n’ai pas encore lu ce livre, mais il me semble très complémentaire d’un autre ouvrage qui vient de paraître au printemps, de Paul Jorion: Le dernier qui s’en va éteint la lumière : Essai sur l’extinction de l’humanité, Paris, Fayard, 2016.

    L’auteur nous annonce non seulement la chutte de notre civilisation, mais encore la fin de notre espèce. Etrangement, ce n’est pas un libre pessimiste !
    Paul Jorion est anthropologue de formation, mais a aussi beaucoup travaillé dans la finance, et réfléchi sur l’économie.

    Je suppose que ce livre, qui a connu pas mal de succès, est dans toutes les bonnes bibliothèques/médiathèques…

    lien: le blog de Paul Jorion

  6. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 11 septembre 2016

    à 11 h 17 min

    Philogm : je n’ai pas lu Le dernier qui s’en va mais quand je lis sont billet à propos de Comment tout peut s’effondrer, j’ai plutôt l’impression que Paul Jorion est très pessimiste. Lire ici

    J’ai néanmoins l’impression que Paul Jorion a mal lu Pablo Servigne et Raphaël Stevens. En effet, il écrit : « Comment tout peut s’effondrer affirme avec emphase dans les déclarations toujours réitérées de ses auteurs que réagir à l’effondrement et vouloir le prévenir, a un sens, alors que les faits rassemblés par eux suggèrent, parfois d’ailleurs avec une évidence aveuglante, qu’il est au contraire bien trop tard pour envisager une riposte. » Alors que les auteurs disent juste qu’il est trop tard pour éviter l’effondrement et qu’il faut s’y préparer en élaborant des systèmes résilients permettant de mieux (ou moins mal) encaisser les chocs à venir. Donc pour eux, seule à un sens la réaction à l’effondrement ou plus exactement notre préparation.

  7. mjulier said
    on 12 septembre 2016

    à 15 h 28 min

    Je considère Paul Jorion comme un escroc dont les textes n’ont aucun intérêt, et qui sont souvent incompréhensibles.
    Je défends ce classement comme escroc (au sens intellectuel, j’entends) avec ses racontars répétés à de très nombreuses reprises contre le fait que les banques commerciales créent de la monnaie ex-nihilo (à partir de rien), par exemple ici dans un article récent:
    http://www.pauljorion.com/blog/2016/07/30/retour-sur-la-pretendue-creation-monetaire-ex-nihilo-par-les-banques-commerciales/

    C’est pourtant la vérité, depuis aussi longtemps qu’il existe des banques: quand une banque accorde un crédit à quelqu’un, elle crée de la monnaie, car lorsque cette personne sort de la banque elle a de l’argent sur son compte et personne n’a moins d’argent que quand elle y est entrée. Et ceci reste exact, même lorsqu’il existe des règles censées encadrer cette création monétaire (le bon sens et la prudence du banquier, les règles prudentielles du régulateur bancaire, ou encore le besoin en liquidités et les conditions fixées par la banque centrale).

    Pendant longtemps, les banquiers refusaient d’admettre cette évidence, comme s’ils en avaient honte. Aujourd’hui, depuis quelques années, plus personne ne le conteste, c’est même enseigné dans les classes d’économie, c’est dans les livres et dans les programmes officiels d’enseignement. Et pourtant, Paul Jorion, qui avait critiqué comme conspirationnistes les gens qui expliquaient la création monétaire à l’époque où le processus était mal compris par la plupart des gens, a ensuite continué à contester cette réalité alors même que c’est une évidence que personne ne nie et que plus personne ne cherche même à cacher.

  8. Philogm said
    on 12 septembre 2016

    à 22 h 46 min

    Bonjour,

    @JOT: mon interprétation est différente: Paul Jorion – qui n’est pas spécialiste en « collapsologie » – reprend les observations de Servignes et Stevens pour en conclure – contrairement à eux- que « c’est foutu ». Son interprétation se base sur l’anthropologie et la psychologie : l’Homme n’est pas « outillé » pour réagir à sa propre perte, même s’il sait intellectuellement comment il faudrait réagir.
    Toutefois, quand on lit le livre, étrangement, il n’apparaît pas comme pessimiste (ressenti du lecteur), mais donne au contraire « la pêche » pour se battre.
    C’est un ressenti personnel, et je conçois qu’on puisse en avoir un autre.

    *********

    @mjulier: je vous trouve particulièrement dur pour Paul Jorion. Le traiter d’escroc -même « intellectuel »- est très exagéré!.
    Je suis ses écrits (que je trouve très clairs et argumentés, ce qui n’est pas le cas, effectivement, de certaines de ses vidéos) depuis l’été 2008 (période à laquelle je me suis intéressé justement à la création monétaire et à la crise financière).
    je n’ai pas d’idée arrêtée sur la création « ex-nihilo » ou pas de la monnaie, mais les 2 grilles de lecture quand à la création monétaires sont intéressantes et permettent d’expliquer les crises financières.

    En effet, vous affirmez comme une évidence (« c’est pourtant une vérité »):
    « car lorsque cette personne sort de la banque elle a de l’argent sur son compte et personne n’a moins d’argent que quand elle y est entrée. »

    Ce n’est pas évident, au contraire. Ça ne le sera que s’il y a effectivement création de richesse reconnue, pas dans un autre cas.
    Et les effondrements des bulles spéculatives ont montré que cette création de richesse reconnue n’était pas toujours, et de loin, effective.

  9. mjulier said
    on 14 septembre 2016

    à 21 h 48 min

    @ Philogm
    Quand on parle de monnaie, par définition on ne parle pas de richesse réelle, mais d’un symbole que les gens reconnaissent comme équivalent à une richesse, sur la base de la confiance (fiducia = confiance). Et c’est en effet évident que lorsque vous sortez d’une banque après avoir emprunté 1000€, vous avez sur votre compte bancaire 1000€ de cette monnaie à laquelle toute la société accorde sa confiance, et qui vous permet d’acheter pour 1000€ de biens et services.
    Je n’en dirai pas plus, ceci étant une simple parenthèse à propos de Paul Jorion, dont la popularité m’exaspère car je trouve qu’elle est imméritée.

  10. Philogm said
    on 16 septembre 2016

    à 23 h 22 min

    @mjulier
    Donc quand on sort de la banque, on a de la monnaie, et pas de l’argent. Et cette monnaie est bien fragile quand elle repose sur du sable mouvant. La valeur de cette monnaie peut fondre comme la confiance qu’on a en elle. C’est seulement ce que dit Jorion avec son concept de conservation des quantités (entre autre). Et il dit bien que ce n’est que son avis à un moment donné, c’est dans la discussion.
    Mais bon, effectivement, Paul Jorion n’est pas un gourou.
    Reste que son livre est fort intéressant, et il me semble que sa (très relative) popularité est à mon avis méritée, comme celle par exemple d’Hubert Reeves concernant l’astrophysique. Ce sont de bons vulgarisateurs.

  11. mjulier said
    on 17 septembre 2016

    à 16 h 41 min

    @ Philogm
    Ce n’est pas qqch qu’il dit à un moment donné: c’est un débat qui traîne depuis plus de 5 ans, et dans lequel il continue à défendre une thèse grossièrement fausse, de façon assez tenace pour continuer à écrire des articles à ce sujet comme celui que je citais.

    Je ne comprends pas la différence que vous semblez faire entre « argent » et « monnaie ». L’argent (ou la monnaie, comme vous voudrez) n’est pas un objet matériel, il n’est donc pas soumis aux règles de conservation de la physique. Même les billets peuvent être créés: il suffit que votre banque dépose des actifs (par exemple des titres de dette de l’État français) à la Banque de France pour que celle-ci lui imprime des billets. Si la monnaie ne pouvait ni apparaître ni disparaître, pour commencer elle n’aurait pas pu apparaître donc elle n’existerait pas.