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Le Jeudi 26 septembre 2013 à 19:30

Expulsion sans concertation au Petit-Bard : une provocation ?


La méthode et la brutalité de certains policiers rapportées par des témoins directs pour expulser, le 24 septembre, un couple de retraités de leur logement ACM, interrogent.  Cette absence de concertation préalable à une expulsion dans ce quartier populaire est une première depuis bien longtemps selon deux militants de l’association Justice pour le Petit-Bard. Selon eux, il y avait eu des discussions il y a quelques mois avec la préfecture pour qu’elle les alerte en amont de toute expulsion. Celle-ci reste étrangement silencieuse depuis hier. Suite à l’intervention policière, quatre personnes sont poursuivies pour « outrages et rébellion ».

Une trentaine de personnes se sont rassemblées le 26 septembre 2013 en soutien aux gardés à vue suite à une expulsion musclée dans le quartier populaire du Petit Bard (photo : J.-O. T.)

Vers 8h30, quand l’huissier se présente avec les déménageurs pour expulser les occupants d’un logement square Peggy, on est bien loin de l’ambiance de la visite de François Lamy, le ministre de la ville au Petit-Bard le 2 mars dernier. Pas d’élus, pas de journalistes. Et surtout pas de discussion autour d’une table. Juste la brutalité d’une expulsion locative.

Hamza Aaarab et Khalid El Hout de Justice pour le Petit Bard n’avaient pas vu ça depuis au moins 2005. Habituellement, disent-ils, en cas d’expulsion, des discussions préalables s’engageaient, une solution était trouvée et l’appartement était ensuite libéré. C’est ce qui a été proposé hier à l’huissier mandaté par ACM, le propriétaire du logement dirigé par Claudine Frêche. ACM c’est le bailleur social de l’agglomération de Montpellier, présidée par Jean-Pierre Moure (PS). Hamza Aarab, présent sur les lieux, raconte ce qu’il a dit hier à l’huissier : « Si c’est un problème de loyer, on peut trouver une solution et après, s’ils doivent quitter le logement, ils le quitteront mais de manière digne. On ne jette pas les gens comme ça. »

Mais l’huissier n’a rien voulu savoir. La porte est alors bloquée par les personnes présentes : « Ils ne veulent pas partir, ils ne partent pas », lui dit Hamza Aarab. L’huissier appelle des renforts et des policiers en uniforme de la Brigade anti-criminalité (sic) arrivent dans l’appartement qui s’ajoutent à la douzaine de personnes présentes (famille et militants). Hamza Aarab raconte : « Certains policiers étaient corrects, on avait l’impression que d’autres – ceux en civil et ceux en uniforme mais surtout ceux en uniforme – cherchaient juste à mettre des coups de matraques, qu’ils avaient des comptes à régler. Quand on était dehors ils ont tenu ce genre de propos : « C’est tous les mêmes », etc. Ils mettaient tout le monde dans le même sac, ils nous parlaient de chaînes arrachées, ils mélangeaient tout. Donc, déjà dans leur tête, ils venaient pour une punition collective. On avait l’impression qu’ils avaient affaire à des ennemis. »

Après des discussions avec les personnes présentes, les policiers demandent à tout le monde  sauf aux parents, de sortir. « La fille de 19 ans s’est mis direct par terre, rapporte Hamza Aarab. Il y a un policier qui l’a prise par les cheveux, il lui a pris le bras par derrière et lui a monté jusqu’au cou. C’est là qu’un membre de l’association et des gens de la famille se sont interposés et c’est parti dans tous les sens. À un moment j’ai sorti mon téléphone pour filmer et un policier m’a arraché le téléphone de la main, il ne voulait pas me le rendre. Je me suis pris la tête jusqu’à ce qu’il me repose le téléphone parce que ça devenait explosif. Alors qu’ils savaient pertinemment que nous, à chaque fois, on fait en sorte de mettre les choses au calme. Beaucoup plus qu’eux. »
Écouter l’intégralité du témoignage :

Puis le face à face tendu s’est déplacé en bas de l’immeuble entre plusieurs dizaines de CRS casqués munis de boucliers et des habitants du quartier. Quatre personnes présentes dans l’appartement ont été placées en garde à vue pour « outrages et rébellion » pour des faits commis dans l’appartement (Midi Libre, 26/09) : un militant de Justice pour le Petit-Bard et trois membres de la famille. La garde-à-vue s’est prolongée au moins jusqu’à 17h et une trentaine de personnes se sont rassemblées devant le commissariat à 16h pour apporter leur soutien aux personnes détenues. Les quatre sont renvoyés devant le tribunal le 25 octobre. Quant aux expulsés, ils ne savent pas où sont leurs meubles.

Tout ça laisse Hamza Aarab interrogatif : « Quinze jours après la visite du ministre Lamy, on a une réunion de travail à la préfecture avec le secrétaire général (Rousseau) mais à chaque fois qu’on a un interlocuteur qui tient la route à la préfecture, un mois après, il n’est plus là et donc à chaque fois il faut refaire le travail. Ça fait des années que ça dure. Et notamment là, on a eu des discussions avec la préfecture qui devait nous alerter sur chaque expulsion, pour qu’on puisse faire un travail autour de ça, trouver des solutions et là, on apprend qu’ils envoient la police pour un couple de retraités. Ça, ce n’est pas correct déjà. »

Aucune formation politique n’a, pour l’instant, réagi. Notons quand même le commentaire de Philippe Thines, adjoint au maire (PRG), sur Facebook hier : « Scandale et pas normal ! »

[Màj le 27/09 à 8h35 : commentaire publié sur Facebook par Justice pour le Petit Bard à propos de la réunion militante du candidat à la candidature PS Jean-Pierre Moure au Jam mercredi : "Pendant que certains festoyé, au même moment une famille se faisait expulser au Petit-Bard!"]

[Màj le 27/09 à 11h05 : dans un communiqué diffusé ce matin, Muriel Ressiguier, porte parole du Parti de gauche de Montpellier, condamne l'expulsion. Elle écrit notamment concernant ses "concitoyens des quartiers populaires" : "Il est de notre devoir commun de trouver les solutions leur permettant de relever la tête. ACM a oublié sa mission de service public. Est-il besoin de rappeler à la Préfecture et à ACM présidé par Louis Pouget que Montpellier est une ville pauvre (27% de taux de pauvreté). La force n’est pas une réponse mais un aveu de faiblesse révélant l’inefficacité des politiques menées. J’appelle à un sursaut républicain pour que nos valeurs fraternelles s’imposent pour le respect et la dignité des personnes les plus touchées par la conjoncture. Il est du devoir des hommes et des femmes politiques d’être garants de la justice sociale. J’apporte aussi mon soutien à l’association Justice pour le Petit-Bard pour leur action de défense des habitants des quartiers populaires."]

[Màj le 27/09 à 11h35 : dans un communiqué diffusé ce matin, les Jeunes communistes de l'Hérault apportent "leur soutien" aux expulsés qui ont subit "une expulsion locative particulièrement violente". Et d'interroger les pouvoirs publics : "Combien cela coûte t-il de dépêcher plus d'une centaine de policiers pour débusquer un couple de personnes âgées d'un logement qu'ils occupent depuis près de trente ans ? Alors qu'on nous rétorque si souvent que le pays est en crise et que la solidarité nationale est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre, combien de mois de loyer représente une telle opération ?"]

► Sollicités par Montpellier journal, ni l’agglomération de Montpellier, ni ACM, ni la préfecture n’ont donné suite.

► Lire aussi :


Publié dans Accès libre, Politique, Social. Mots clés : , , , , , , , .

Un commentaire

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  1. Philogm said
    on 26 septembre 2013

    à 20 h 41 min

    La semaine dernière, Politis consacrait, dans son « tour de France des quartiers », un article au Petit Bar:

    http://www.politis.fr/Au-Petit-Bard-le-calvaire-sans-fin,23754.html

    Bon article, même s’il n’apporte certainement rien de vraiment nouveau pour ceux qui suivent le dossier. Cela permet une visibilité nationale. Relative, certes, étant donnée la diffusion de Politis, mais quand même.