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Le Vendredi 5 février 2010 à 23:06

Couderc très compréhensif envers les propos de Bussereau sur les Harkis


Alors que le candidat UMP aux régionales vient de déposer une proposition de loi pour permettre que les injures envers les Harkis puissent être enfin sanctionnées, il parle seulement de « paroles maladroites » concernant les déclarations du secrétaire d’État aux transports, mercredi sur Europe 1. Quant aux associations de Harkis, elles dénoncent les visées électoralistes de la modification de la loi et déplore le manque de fermeté de Raymond Couderc à l’égard de Dominique Bussereau. Montpellier journal a aussi interrogé Georges Frêche, grand « spécialiste » du sujet.

Raymond Couderc, sénateur-maire de Béziers, le 14 décembre 2009 à Montpellier (photo : Xavier Malafosse)À cinq semaines du premier tour des élections régionales, Raymond Couderc, candidat UMP opposé à Georges Frêche, annonce le dépôt d’une proposition de loi visant à sanctionner les injures envers les Harkis. Manoeuvre électorale ? Montpellier journal décide de demander son point de vue au président de région sortant qui avait qualifié, en février 2005, des harkis de « sous-hommes ». C’était mardi à l’occasion de la conférence de presse du candidat sur le développement économique. Celle-ci s’est tenue dans une atmosphère électrique en pleine tempête sur la « tronche pas catholique » de Laurent Fabius.

« La campagne de Couderc, c’est la porte à côté »

Laurent Blondiau, directeur de la communication à la région, essaye d’empêcher que les journalistes présents posent d’autres questions à Georges Frêche. Du coup, celui-ci s’agace :
GF : Mais arrêtez de me faire arrêter, non d’un chien ! Vous n’êtes pas possibles, là !
Laurent Blondiau : Parce qu’on a des rendez-vous, président.
[...]
GF [À un photographe devant lui] : Alors, qu’est-ce que vous voulez savoir ? Vous, jeune homme, vous voulez faire une bonne photo ?
Le photographe : J’en ai fait plusieurs M. le président.
GF : Ah bon, ah bon.
Montpellier journal : Raymond Couderc annonce…
GF : Écoutez, la campagne de Raymond Couderc c’est la porte à côté.
Mj : Non mais attendez, c’est un débat contradictoire, quand même, une campagne…
GF : Oui, bien sûr.
Mj : On apprend dans la presse ce matin que Raymond Couderc va déposer une loi sur l’injure faite aux Harkis. Vous pensez que c’est une manoeuvre électorale ou pas ?
GF : Il a raison, ça ne me gêne absolument pas. Il faut condamner toute insulte faite aux Harkis. D’ailleurs le tribunal m’a donné raison, il m’a relaxé en disant que je n’avais, en aucun cas, insulté les Harkis. Donc la loi de Couderc est la bienvenue.
Laurent Blondiau : Allez…
GF : Et Couderc pourra remercier ceux qui ont f…
Frédéric Bort, son directeur de cabinet, intervient : Je crois que vous aurez d’autres occasions de lui poser des questions pendant la campagne. Vous pouvez nous le laisser ? Allez. Merci. Merci beaucoup. Allez. Allez.
GF [A une journaliste du magazine Marianne] : Bon eh bien, chère madame, on va aller à la région, si vous le voulez bien, on sera plus tranquilles.
Écouter le son :

Notons au passage que ce comportement de l’entourage de Georges Frêche est de plus en plus fréquent. On l’avait déjà observé, par exemple, le 27 novembre. Et, plus récemment, la semaine passée, en pleine agitation médiatique. Ainsi, sur 7L TV (29/01, vers 6’30″), on voit Laurent Blondiau carrément retirer le micro des mains à son patron. Soulignons également que, quelques minutes plus tard, l’entourage de Georges Frêche était moins pressé de partir quand le candidat se faisait photographier sur les marches de sa permanence.

Le président de région aurait dû être condamné
Pour revenir au Harkis, soulignons qu’une fois de plus, Georges Frêche ment sur ce jugement. Il a certes été relaxé mais la Cour d’appel a été très sévère à son encontre et « a exactement retenu la qualification d’injures » (décision du 13/09/07, p 23). Donc, si on suit bien le souhait exprimé ci-dessus par le président de région, il aurait dû être lui-même condamné !

Alors pourquoi ne l’a-t-il pas été ? C’est parce que, comme déjà expliqué dans un autre article et surtout par l’avocat blogueur Me Eolas et avant lui le journaliste Pierre Daum (Libération, 13/09/07), la loi de février 2005 affirme que l’injure envers les Harkis est interdite. Mais le texte a omis de préciser la peine associée. Conclusion de Me Eolas : « La loi du 23 février 2005 n’a aucun effet juridique, sauf la création d’une fondation. C’est un pur texte démagogique, offert comme gage par la droite à un électorat fidèle, une déclaration grandiloquente qui caresse dans le sens du poil, et, comme l’ont découvert ces plaignants, n’est que du vent dès qu’on la présente à un juge. » Ce qu’a confirmé le jugement de la Cour de cassation le 31 mars 2009 qui a définitivement relaxé Georges Frêche. Ce qui permet à ce dernier de déclarer partout qu’il a « gagné tous [ses] procès » (1).

Opportunisme politique
Mais voilà donc que le chevalier Couderc veut corriger cette loi. Et il annonce lundi, en pleine tempête médiatico-politique pour Georges Frêche, qu’il va déposer jeudi (hier) une proposition de loi pour remédier à ce problème. Le tout assorti d’une conférence de presse la veille (mercredi 3). Évidemment, on ne peut que s’interroger sur l’opportunisme politique de Raymond Couderc. Mais celui-ci a réponse à tout. Ou presque.

D’abord, on peut déjà s’étonner qu’Hubert Falco, le ministre des anciens combattants qui avait annoncé, le 25 septembre, sa volonté de modifier la loi de 2005, ait eu besoin d’un parlementaire pour le faire. Il aurait très bien pu lui-même lancer un projet de loi. Version officielle : la proposition de loi est plus rapide. En réalité, la différence serait assez faible et ce qui compte c’est la volonté réelle du gouvernement d’aboutir pas la procédure utilisée. Ensuite, pourquoi un sénateur et pas un député ? Réponse de Raymond Couderc : « Hubert Falco est un ancien sénateur, il a souhaité que ça parte du sénat. » Et pourquoi le sénateur Couderc ? « Je suis particulièrement sensible à ces questions-là. J’ai écrit un ouvrage publié en 2001 [sorti juste avant les élections municipales] dans lequel il y avait un chapitre entier consacré aux Harkis. Donc c’est une question à laquelle je m’intéresse de très près. »

En décembre, Raymond Couderc ne bronchait pas
Problème, quand Montpellier journal interrogeait Frédéric Lefebvre, le porte-parole de l’UMP, lors de l’inauguration du local de campagne de Raymond Couderc, sur la loi de 2005, le maire de Béziers était à ses côtés. Le premier faisait une réponse vague et Raymond Couderc – dont le ministère des anciens combattants nous dit aujourd’hui qu’il suit le dossier depuis septembre – ne bronchait pas.
Regarder la vidéo :

Explication du sénateur : « Les arbitrages de Matignon n’étaient pas faits. [...] Comme je ne savais pas quand ça allait sortir, je préférais ne pas en parler. Je ne savais pas si c’était dans un mois, trois mois, six mois. [...] Je préfère avoir de la retenue plutôt que de fanfaronner et de dire : « On va présenter prochainement le texte. »"

« J’en ai rien à glander »
Mais alors, pourquoi ne pas avoir attendu un mois et demi ? Ne peut-on pas l’accuser d’avoir joué avec le calendrier ? « Qu’on m’accuse si on veut. Attendez, si maintenant c’est moi qui doit être accusé alors que c’est Georges Frêche qui a prononcé les paroles… Qui a parlé de « sous-hommes » ? Je suis très à l’aise, très franchement. Quand il faut réparer une injustice, on la répare et on la répare quand le moment vient de la réparer. Que ce soit en période électorale ou pas, franchement j’en ai rien à glander – excusez-moi de vous le dire comme ça – ce qui compte pour moi c’est de faire en sorte que les paroles qui ont été prononcées soient sanctionnées. J’espère que ça convaincra les émules de Georges Frêche qu’il faut arrêter ce petit cinéma. »

Pourquoi pas avant ? L’arbitrage de Matignon est tombé en janvier, répond Raymond Couderc. Il y aurait eu de longs débats pour savoir comment introduire juridiquement la correction. Problème, pour Fatima Besnaci-Lancou de l’association Harkis et droits de l’homme, cette proposition de loi a été « faite dans la précipitation, sans professionalisme (2)« . Alors que cette proposition ne contient qu’un seul article d’une vingtaine de lignes. Et elle ajoute : « J’ai l’intime conviction que ça a été gardé pour une bonne occasion, pour des élections. Ça fait cinq ans que des associations de Harkis attirent l’attention sur cette loi. Qu’on nous la sorte juste maintenant et, en plus, par un parlementaire qui est le concurrent de Frêche, c’est quand même étonnant. [...] Ils surfent sur l’actualité. » Elle rappelle aussi qu’il y a un autre sénateur UMP qui « connaît très bien le sujet des Harkis ». Il s’agit de Jean Faure mais celui-ci a le mérite – ou le défaut – d’être dans l’Isère.

« Les Harkis ne sont pas là pour être instrumentalisés. »

Abdelkader Chebaiki (Ajir34) est un de ceux qui avait été visé par les injures de Georges Frêche en 2005. Il est sur la même longueur d’onde que Fatima Besnaci-Lancou : « Ça fait trois ans, en tant qu’association, qu’on demande que la loi du 23 février 2005 soit modifiée. [...] Cette modification de la loi tombe en pleine élection régionale. [...] Les Harkis ne sont pas là pour être instrumentalisés. » Avant de lâcher, fataliste : « Mais on ne peut rien y faire. » Et il insiste sur les déclarations de mercredi soir de Dominique Bussereau sur Europe 1. Le secrétaire d’État aux transports était interrogé sur sa concurrente pour les régionales en Poitou-Charentes, Ségolène Royal (Vers 4’20″) :
DB : Elle a un problème avec l’électorat de gauche. [...] Il y a des appels de militants socialistes qui disent que ça ne va pas, qu’ils ont un problème avec elle.
Le journaliste : Elle a quand même récupéré des centristes, des écologistes.
DB :
Oui mais c’est justement à cause de cela.
LJ : Ça prouve qu’elle rassemble.
DB : Oui enfin… Elle rassemble des harkis, – hein, si vous me permettez l’expression : des gens qui vont un peu dans cette affaire, parce qu’ils n’ont pas d’autres moyens d’être élus.
Le lendemain, le secrétaire d’État a présenté ses excuses.

Réaction de Raymond Couderc, recueillie ce soir (4) : « Ce ne sont pas des propos sur LES Harkis. Ce sont des paroles maladroites, malheureuses mais qui n’ont rien d’injurieux. Mais c’est vrai qu’il aurait pu avantageusement se dispenser d’utiliser l’image des Harkis dans cette affaire-là. Maintenant il s’est excusé, j’ai lu ses excuses qui sont très circonstanciées et très complètes. Ça n’a rien à voir, si on veut faire la comparaison, avec les « sous-hommes ». C’est vraiment tout à fait différent. Ce ne sont pas des injures, ce sont des paroles malencontreuses. »
Écouter le son :

Ce n’est pas le point de vue d’Abdelkader Cheibaiki : « Il n’y a pas d’excuses qui tiennent. Comme pour Georges Frêche, nous demandons la démission de M. Bussereau et nous allons porté plainte contre lui. [...] Aujourd’hui, c’est un ministre qui tient des propos injurieux et racistes, il faudrait bien que M. Couderc dise qu’il porte plainte contre son ministre et qu’il appelle à sa démission. »

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► Lire aussi : Frêche-harkis : ce que la justice a vraiment dit

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(1) Ce qu’avait d’ailleurs prédit Me Eolas. Détail cocasse : alors que Martine Aubry s’oppose à lui, Georges Frêche a même réussi à convaincre la première secrétaire du PS sur ce point. Ainsi à la question Georges Frêche « est-il un homme raciste et antisémite ? », elle a répondu (Le Grand Journal, Canal+, 3/02, vers 10′) : « Je n’ai jamais souhaité m’exprimer ainsi parce que la justice a tranché sur le terme de raciste. Elle a dit « non » pour les Harkis comme pour les Noirs de l’équipe de France. Je préfère dire que ce sont des propos qui sont insupportables pour ceux qui défendent la république et les valeurs de gauche. » Rappelons que la justice ne s’est jamais prononcée sur les « Blacks » et que l’enregistrement du conseil d’agglo où ils ont été tenus, a mystérieusement disparu.
(2) Elle pointe une erreur de la proposition de loi qui renvoie, pour les sanctions, vers le même article (le 33) de la loi du 29 juillet 1981 que ce soit pour l’injure ou la diffamation alors qu’elle devrait renvoyer vers le 32 pour la diffamation et le 33 pour l’injure.
(3) La République dévoyée, Privat, 2001, 153 pages, 15 € (Montpellier journal ne l’a pas lu)
(4) Les autres propos de Raymond Couderc ont été recueillis le 3 février, donc avant la sortie de Dominique Bussereau sur Europe 1.


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2 commentaire(s)

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  1. Observateur said
    on 6 février 2010

    à 7 h 31 min

    JOT, cela n’a rien à voir avec le sujet de l’article mais je tenais à dire que j’appréciais vraiment la rigueur de vos articles, en particulier l’identification claire des sources d’information, leur retranscription et les hyperliens vers d’autres documents.
    Et ce n’est pas de la brosse à reluire, je le pense très sincèrement :)

  2. Jacques-Olivier Teyssier said
    on 6 février 2010

    à 9 h 33 min

    @Observateur : merci ! Cela me fait d’autant plus plaisir que cela prend du temps et donc réduit le nombre de sujets traités.