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Le Jeudi 15 janvier 2009 à 15:25

L’étrange défense du pompier tabasseur


C’était mardi le procès d’un pompier montpelliérain, Thierry Mesquida, accusé d’avoir frappé et insulté une personne qui avait eu un malaise sur la voie publique, Jean-Philippe Morel, par ailleurs militant de AIDES et homosexuel. Le pompier tabasseur a été condamné à 2000 € d’amende pour violence aggravée sur personne vulnérable, mais le tribunal n’a pas retenu les insultes homophobes. Selon Midi Libre d’aujourd’hui, le parquet a décidé de faire appel. Retour sur les arguments de Maître Jacques Martin, avocat du pompier, qui posent question.

Un article de Patrice Victor

Le palais de justice de Montpellier (photo : Mj)Me Martin entre en matière en rappelant qu’il existe des associations de lutte contre l’homophobie et déclare : « Je considère que, puisque ces associations ne sont pas là, c’est qu’elles estiment qu’il y a plus qu’un doute sur les insultes homophobes (1). » Autrement dit, bien que généralement faisant dos au public, Maître Martin a passé une partie de son temps à scruter la salle du regard, y cherchant des militants anti-homophobes de sa connaissance. Incapable de les distinguer – des représentants du Collectif contre l’homophobie était présents – il en a déduit d’une part qu’ils n’y étaient pas et d’autre part qu’il n’y a sans doute pas eu insulte homophobe ! Ce qui sous-entend que l’on doive juger un prévenu en fonction de la composition du public. Étrange conception de la justice. D’autant qu’un peu plus tard, Me Martin revient, peut-être par inadvertance, sur ce thème en déclarant avoir demandé aux pompiers « de ne pas venir en masse » assister au procès. Que doit-on en déduire quant à la culpabilité de son client ?

Et toujours en ce qui concerne les insultes homophobes, Maître Martin estime que le pompier n’a sans doute pas proféré d’injures, mais que, si elles avaient quand même eu lieu, elles ne tombent pas sous le coup de la loi. Pourquoi ? Parce que la Cour de Cassation a annulé la condamnation du député UMP Christian Vanneste pour avoir dit, selon Maître Martin, que « les homosexuels sont une race inférieure ».

En fait, Christian Vaneste avait déclaré que l’homosexualité est inférieure à l’hétérosexualité et la Cour de Cassation avait jugé qu’il s’agit d’une opinion qui ne « ne dépasse pas les limites admissibles de la liberté d’expression ». Pas grand chose à voir avec l’affaire, à moins de considérer que des expressions telles que « pédé », « petite pute » n’ont rien d’une insulte mais relèvent d’une opinion courtoisement émise. Maître Martin affirme, sans rire que, traiter quelqu’un de « petit pédé » ne traduit pas une attitude homophobe, et de préciser : « Ce serait une attitude homophobe s’il [le pompier] ne l’avait pas amené à l’hôpital. »

Sortons de ces subtilités sémantiques pour évoquer l’état de la victime. Maître Martin reproche au président du tribunal de présenter la victime comme une personne vulnérable. L’avocat estime que le malaise de Jean-Philippe Morel – qui reconnait avoir bu trois verres – est dû à l’alcool et que, de ce fait, il ne saurait être qualifié de personne vulnérable. Ou alors, clame-t-il, il faudrait considérer ainsi tout conducteur en état d’ébriété et à ce titre lui accorder la plus grande clémence ! Mais que son malaise ait été dû ou pas à l’alcool – les médecins lui ont dit qu’il n’a pas fait de coma éthylique – Jean-Philippe Morel était vulnérable parce que quasiment inconscient. Maître Martin n’a que faire de cela. D‘arguments fallacieux en erreurs de raisonnement, ce fût une bien étrange défense.

[Maj le 6/07/2010 à 11h35 : en appel, le tribunal n'a pas retenu l'orientation sexuelle de la victime comme explication des violences.]

___________________
(1) Le Collectif contre l’homophobie explique, dans un communiqué diffusé mercredi, que s’il ne s’est pas porté partie civile, c’est par manque de moyens financiers et déclare être solidaire de Jean-Philippe Morel. Par ailleurs, il demandait au parquet de faire appel de la décision alors que le tribunal a écarté le caractère homophobe de l’agression.


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6 commentaire(s)

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  1. flo said
    on 15 janvier 2009

    à 17 h 32 min

    le fait que le collectif contre l’homophobie soit dirigé par Hussein Bourghi, membre du cabinet du maire de Montpellier Hélène Mandroux, aurait-il un lien sur le non implication du collectif contre l’accusé défendu par maître Jacques Martin, élu de la majorité au conseil municipal de Montpellier ?

  2. Il me semble que vous avez mal suivi l’actualité. Extrait d’une interview d’Hussein Bourgi paru dans Midi Libre :

    Midi Libre : D’autres villes ont fait un pas dans la lutte contre l’homophobie ?
    Hussein Bourgi : Lyon et Paris viennent d’inclure dans leur convention d’attribution de subventions un chapitre de lutte contre les discriminations. Je vais faire la même demande auprès de l’Agglo de Montpellier, du conseil régional.

    ML : A l’Agglo, vous allez l’adresser à Jacques Martin qui s’est montré solidaire de Laurent Nicollin…
    HB : Il a dit que Laurent Nicollin n’était pas homophobe. Je ne l’ai jamais dit. Je ne le connais pas. Mais son SMS l’est. Maintenant, je me pose une question : est-ce le rôle du vice-président des sports de l’Agglo de banaliser l’homophobie ? Pour ma part, je ne le crois pas. Ces propos sont graves. J’espère que la commission de discipline mettra fin à ce sentiment d’impunité et de désinvolture dont Laurent Nicollin a fait preuve jusqu’à présent.

  3. A CE POSER DES QUESTIONS... said
    on 14 février 2009

    à 11 h 54 min

    Quel résumé rapide et à charge de la plaidoirie de Maître Martin. Peut-on considérer que de dire PD à un homosexuel peut classer la personne dans la catégorie des homophobes? Je ne le pense sincèrement pas. Les gays entres eux se traitent bien de tapettes, de gouines, et d’autres mots dont je vous fais grâce sans que l’on ne les attaque devant un tribunal pour homophobie. Ce qui est condanmnable c’est que ces mots PD, Tapettes soient devenus des injures courantes que se soit aussi bien chez les hétérosexuels que chez les gays…Il faut bien entendu aller de l’avant et éduquer les nouvelles générations à les banir de leur vocabulaire, mais si toutes les personnes qui prononcent ces mots étaient jugées et condamnées les prétoires seraient plein tous les jours pour juger ces affaires « homophobes ». Ne nous égarons pas dans cette affaire. Oui le pompiers doit être puni pour les égarement de violences sur cette personne et non il ne peut être poursuivi et condamné pour homophobie… Il y aurait tant à dire sur le comprtement de certains gays et plus particulièrement sur celui de monsieur Morel ce soir là… et celui de son Ami…

  4. BOURGI Hussein said
    on 14 février 2009

    à 14 h 54 min

    Cher(ère) anonyme,

    Si les injures discriminatoires (racistes, antisémites, sexistes et homophobes) sont hélas trop courantes dans notre pays, ce n’est pas une raison pour les entériner et les banaliser.

    En revanche, il faut raison garder! Nul n’a eu l’intention de poursuivre pour homophobie toute personne ayant prononcé le mot « pédé ». Par exemple, je vous mets au défi de trouver une seule plainte déposée contre un automobiliste ayant prononcé ce mot à l’encontre d’un autre automobiliste qui ne conduirait pas assez vite ou assez bien. Et pourtant vous conviendrez comme moi que nous entendons régulièrement ce type d’invectives.

    Dans l’affaire que vous évoquez, il s’agit de violences commises par une personne dans l’exercice d’une mission de service public à l’encontre de personnes dont l’orientation sexuelle était connue de lui.
    Ce n’est pas tout à fait la même chose et je fais confiance à la justice pour faire son travail.

    Quand à votre conclusion sur « le comportement de certains gays » elle me laisse sur ma faim. Je suis sûr que vous aurez à coeur de préciser ce que vous insinuez ou sous-entendez.

    Enfin, quand au prétendu comportement de la victime et de son ami le soir des faits, je vous invite à apporter votre témoignage à la justice. Vous devez certainement savoir que tout citoyen témoin de certains faits doit apporter son concours à l’éclatement de la vérité.

    Je vous laisse méditer…

    Hussein BOURGI
    président du Collectif Contre l’Homophobie

  5. Anonyme said
    on 19 février 2009

    à 3 h 11 min

    On parle beaucoup des insultes homophobes et on disserte à loisir par rapport à la nature des insultes ; O.K. mais s’agissant d’un « tabassage » :
    Quid des coups ? Pourquoi y a-t-il eu cette violence (et quelle violence ?) sur une personne en état de malaise sur la voie publique ! ! ! ! ?
    Quelles sont les « justifications » du frappeur ? Est-ce grave ? faut-il enfermer dare dare ce soldat du feu, où est-ce une affaire de rien du tout (genre ivresse sur la voie publique) montée en épingle pour cause d’homosexualité de l’une des parties ?
    Votre article n’explique pas grand chose et mériterair d’être plus étoffé.

  6. L’article n’est pas un compte rendu d’audience. D’autres médias en ont fait un avant Montpellier journal. L’angle de l’article concerne les arguments de la défense contre les accusations d’homophobie. Ceci dit, le papier mentionne la condamnation pour « violence agravée ».

    Évidemment, si l’équipe de Montpellier journal était plus étoffée, les articles le seraient sans doute aussi. Je ne m’en satisfait pas, travaille chaque jour pour que ça change mais, pour l’instant, c’est malheureusement comme ça. Il faut sans cesse chercher un équilibre entre approfondissement et rythme régulier de publication.