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Le Mercredi 3 octobre 2012 à 18:51

Le journaliste de L’Agglorieuse et des notables « ripoux » de Montpellier


Jean-Marc Aubert, rédacteur au sein de l’hebdomadaire satirique, a publié jeudi sur le mur de son profil Facebook, une déclaration au vitriol sur « des journalistes qui font partie de ces ripoux ». Avant de préciser : « Tout le monde le sait, tout le monde possède la liste. » Problème, le journaliste n’apporte aucun nom ni début de preuve à ses affirmations.

Le profil de Jean-Marc Aubert sur Facebook (copie d'écran)

Pour Marc Degli, rédacteur en chef adjoint à France 3 Languedoc-Roussillon, ce texte est celui d’un « type qui est hyper amer de s’être fait griller » sur l’affaire des paris frauduleux du handball. Car Jean-Marc Aubert était sur le coup et affirme qu’il n’a pas sorti l’affaire pour ne « pas casser une enquête », argument déjà évoqué par Midi Libre. Alors France 3 Languedoc-Roussillon a-t-elle cassé l’enquête ? Il est permis d’en douter. Il est même tout à fait possible que les enquêteurs aient utilisé les médias.

Quant aux révélations de Jean-Marc Aubert sur tous les « ripoux » de Montpellier, elles sont attendues avec impatience par Marc Degli qui se dit prêt à l’inviter en plateau s’il a « des biscuits » [des preuves], bien sûr. Mais Jean-Marc Aubert en-a-t-il ?

« De gros connards »
Voici la déclaration intégrale que le fait-diversier de L’Agglorieuse a publié sur Facebook, encore visible au moment où nous écrivons ces lignes, y compris par ceux qui ne sont pas « amis » avec lui : « Le milieu des journalistes d’ici est pire que celui des sportifs, il est pourri jusqu’à la moelle, avec de gros connards qui croient sortir des scoops, sans que leur hiérarchie ne bronche, des « journalistes » de merde qui sont francs-maçons, qui fréquentent tous ceux qui sont à vomir dans les loges, les cercles, les associations où on retrouve des ripoux : flics, magistrats, chefs d’entreprises, avocats, chirurgiens, médecins, patrons de bars, de restaurants et de discothèques et j’en passe. Tout le monde le sait, tout le monde possède la liste. Tout le monde sait que des journalistes font partie de ces ripoux, enfin, au moins un « journaliste », le plus nul que j’ai côtoyé depuis plus de trente ans, une brebis galeuse. Quelle honte pour la profession. » On ne saura pas qui est le journaliste en question.

Puis, plus bas parmi les 66 commentaires qu’a suscités la publication, Jean-Marc Aubert écrit : « C’était un coup de gueule, je sais que j’ai été au top durant toute ma carrière. » Avant de cliquer lui-même sur « j’aime » sous son propre commentaire :

Commentaire de Jean-Marc Aubert sur Facebook (copie d'écran)

« C’est tellement lâche »
Marc Degli s’est senti concerné par le texte. Pourquoi ? Parce que, pour lui, ce qui a déclenché cette déclaration de Jean-Marc Aubert, c’est le scoop sur les paris du handball. Ensuite il se sent concerné par la hiérarchie qui ne « bronche » pas puisqu’il était responsable du journal du mardi 25 septembre qui a sorti l’affaire. Enfin, pour lui, un journaliste que Jean-Marc Aubert a côtoyé « depuis plus de trente ans », c’est forcément Émilien Jubineau, le journaliste de France 3 qui a obtenu le scoop.

Et Marc Degli de répondre à l’attaque : « Jean-Marc Aubert écrit : « Il croit sortir des scoops. » Je suis désolé, c’est un scoop énorme qui continue encore aujourd’hui. Qui plus est avec des informations bonnes depuis le début, personne ne les a contestées. Moi, si je dois broncher, je dis : « Bravo Émilien, fais-nous en des comme ça toutes les semaines ! » Je ne comprends même pas ce qu’il veut dire. Quand il dit : « Le milieu journalistique est pourri, il y a des gros connards. » C’est de l’insulte pure et simple. Il n’y a aucun argument. [...] Ça vise clairement Émilien Jubineau sauf que c’est tellement lâche qu’en même temps il ne le dit pas complètement.»

Midi Libre plus en finesse
François Barrère, le fait-diversier de Midi Libre ne semble pas très content non plus de s’être fait griller par France 3 mais il l’exprime avec plus de finesse que Jean-Marc Aubert.  Il écrit ainsi le mercredi 26 : « L’annonce faite par France 3 hier soir en direct de l’existence de cette enquête et de l’interpellation à venir d’un certain nombre de joueurs du MAHB, désignés nommément à l’antenne, a plongé dans la stupéfaction certains des magistrats ayant connaissance de cette enquête. « Ça fout en l’air la procédure, pestait l’un d’eux. Ils ont fusillé délibérément le dossier. »’’

Même argument que Jean-Marc Aubert a avancé lors d’une conférence de presse du député Vignal, le jeudi 27 :
Jean-Marc Aubert :
On était au courant nous aussi [de l'affaire].
Patrick Vignal : Pourquoi vous ne l’avez pas sortie ?
JMA : On ne va pas casser une enquête où on n’a pas lancé les interpellations.

C’est encore la même explication qui revient sur mediaterranee.com dans la bouche – anonyme – d’un « journaliste montpelliérain spécialisé dans le traitement des faits-divers et de la chronique judiciaire » dont il ne serait pas étonnant que ce soit aussi Jean-Marc Aubert.

Fuite non organisée peu probable
Et si tous ces fait-diversiers n’étaient pas que des jaloux ? Et si France 3 Languedoc-Roussillon avait bien cassé l’enquête ? C’est possible mais, pour l’instant, rien ne l’indique. D’abord parce que Marc Degli a parlé lors du Grand journal de Canal+ (26/9) d’une source en « béton ». Ajoutons que France 3 a donné un grand nombre de détails sur l’enquête. Un loupé avec une fuite non organisée est donc peu probable. Le plus plausible, c’est qu’une source au cœur de l’enquête, qui pourrait bien être très haut placée dans l’appareil judiciaire, a balancé les infos à Émilien Jubineau.

Reste la question du pourquoi ? Montpellier journal voit au moins deux raisons possibles. L’utilisation des médias par les enquêteurs pour faire paniquer les mis en cause tout en les mettant sur écoute. Si ce n’était pas l’objectif, c’est bien ce qui s’est passé. En effet, Brice Robin, le procureur de la République de Montpellier, a confirmé, lors de sa conférence de presse qu’il y avait bien eu des écoutes entre mardi et dimanche, jour des interpellations et que ces écoutes avaient été « partiellement positives ». Il faut dire que le timing était parfait : lorsque France 3 sort ses infos, les joueurs sont en Allemagne pour un match de la ligue des champions. Ils sont donc séparés de leurs proches et des autres parieurs. L’idéal pour que les téléphones chauffent. Et ils ont chauffé si on en croit RTL (2/10). Même s’il semble que rien, dans ces écoutes, n’ait permis d’établir que le match avait été truqué.

Message fort aux éventuels futurs fraudeurs
Deuxième hypothèse : la justice a voulu donner un maximum de retentissement à l’affaire pour envoyer un message fort aux éventuels futurs fraudeurs : attention, on ne rigole pas avec ça. Les paris ça rapporte beaucoup d’argent, ça peut aussi pourrir – un peu plus – le sport, donc l’État sera vigilant et sévère. Les deux raisons peuvent aussi s’additionner.

Autre raison pour laquelle la procédure n’aurait pas été « cassée » : au moment où France 3 sort l’affaire, plusieurs membres du club et même Nikola Karabatic si on en croit Jean-Marc Aubert sur le blog de L’Agglorieuse, ont déjà été entendus. Ils ont donc largement eu le temps de préparer leur défense et de se coordonner entre eux. Soulignons enfin qu’à aucun moment les enquêteurs, et en particulier le procureur, ne se sont plaints, du moins publiquement, des révélations.

Et puis, pour Marc Degli, « ce n’est pas à nous de nous inquiéter de ça. Si à chaque fois qu’un journaliste a une information, il se demande ce que ça va bien pouvoir faire à untel ou untel… » Il rejoint en ça Benoît Califano, directeur de l’École supérieur de journalisme de Montpellier qui déclare (mediaterranee.com, 27/09) : « S’il y a eu un problème de fuite au sein du système judiciaire, qui entraîne le fait que des journalistes sont au courant, eh bien, chacun doit balayer devant sa porte, c’est-à-dire que la police et la justice doivent s’interroger sur les raisons qui ont entraîné la divulgation de l’information. »

Sollicité par Montpellier journal, Jean-Marc Aubert a répondu : « Je ne veux plus avoir de contact avec toi. » Pourquoi ? Notamment parce qu’il n’a pas apprécié un papier de Montpellier journal qui soulignait le fait qu’il donnait le nom de certains mis en cause dans l’affaire de fraude à la CCI mais pas celui d’un policier.

C’est effectivement rare que les journalistes apprécient que des articles soient publiés sur leur travail. C’est pourtant ce qu’ils font quotidiennement sur celui des autres.

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