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Le Vendredi 12 septembre 2014 à 18:07

Philippe Saurel « interpellé » par la présidente nationale d’Anticor


Le maire de Montpellier qui n’a pas manqué une occasion avant et après son élection de clamer haut et fort qu’il avait signé la « charte anti-corruption » comme il l’appelle, traîne la patte pour l’appliquer. Séverine Tessier est venue à Montpellier, les 4 et 5 septembre, notamment pour le rappeler à l’ordre. Certains médias n’en ont rien dit ou si peu.

Par Jacques-Olivier Teyssier

Séverine Tessier, présidente d'Anticor, le 4 septembre 2014 à Montpellier (photo : J.-O. T.)

Pas un mot dans Midi Libre, une minuscule brève dans La Gazette de Montpellier (11/09). La visite à Montpellier les 4 et 5 septembre de la présidente nationale de l’association Anticor n’était certes pas une information du niveau de la venue du ministre de l’intérieur le lendemain mais méritait sans doute un traitement un peu plus détaillé (1). L’association qui revendique un bon millier d’adhérents ainsi qu’une cinquantaine de groupes locaux et dont les objectifs sont notamment de « lutter contre la corruption » et de « réhabiliter la démocratie représentative », a proposé lors des élections municipales une charte que les candidats pouvaient signer.

« Charte anti-corruption »
Philippe Saurel l’a fait avec entrain pendant la campagne contrairement à Jean-Pierre Moure, alors son principal adversaire. Avant et après son élection, le candidat qui deviendra élu ne manquera pas une occasion – au moins une trentaine de fois – de rappeler que lui et ses colistiers avaient signé le document. Pour rendre le message plus vendeur, il parlait même de « la charte anti-corruption ». Comme lors de son discours d’investiture au conseil municipal le 5 avril (vers 40’45 de la vidéo). Ou encore après son élection à la tête de l’Agglomération, le 15 avril.

Il déclarait alors : « Dans la nouvelle gouvernance, il y a la transparence dans l’action publique. Je suis le seul maire de grande ville c’est-à-dire au delà de 200 000 habitants à avoir signé la charte Anticor en France. […] Ce que nous allons faire à Montpellier, nous le ferons aussi, si vous en êtes d’accord, à l’Agglomération. C’est une façon moderne d’administrer le pouvoir. Comme dans les grandes entreprises parce que l’argent que nous utilisons pour nos investissements et notre fonctionnement, ce sont les impôts des habitants de l’agglo et pas le nôtre. »
Regarder la vidéo (vers 55’16 ») :

Une semaine plus tard, lors de la constitution du bureau de l’Agglo, il va plus loin : « Je demanderai aux vice-présidents ainsi qu’aux conseillers spéciaux de bien vouloir signer la charte Anticor qui les lie à une certaine pratique de la démocratie. Que ce soit dans le cadre de la participation, de la transparence, de la gestion de la vie publique mais aussi du pouvoir partagé quant au respect de l’opposition. » (vers 16’50 de la vidéo)

Philippe Saurel s’est bien appliqué le non-cumul des mandats en démissionnant du conseil général au profit de sa suppléante Michèle Dray-Fitoussi qui elle, cumule un poste de conseillère municipale, d’agglomération et donc de conseillère générale (montant total des indemnités : plus de 4000 €). On peut également souligner au passage que certains adjoins cumulent des fonctions exécutives à la Ville et à l’Agglo (Max Lévita, Stéphanie Jannin, Abdi El Kandoussi). Toujours dans le cadre de l’application de la charte, Philippe Saurel a bien confié la présidence de la commission des finances à un élu de l’opposition.

Commission éthique
Pour le reste, il suffit d’écouter Séverine Tessier qui déclare à Montpellier journal : « Je suis ici pour lui faire une petite piqûre de rappel pour les autres points de la charte et ce que nous appelons le service après vote. » Il s’agit d’ailleurs du deuxième rappel puisque le groupe local a envoyé un courrier au maire le 10 juin qui contenait « une demande de rendez-vous et un rappel sur l’engagement 3 qui est celui de mettre en œuvre une commission éthique. » Et la présidente d’Anticor d’ajouter : « J’insiste sur ce point parce que c’est selon nous le meilleur outil de prévention de la corruption et des abus de pouvoir en général. »

Et depuis ? Rien. Pas de réponse au courrier, pas de rendez-vous et toujours pas de signes de mise en place de la commission éthique. Du coup Séverine Tessier fronce (imperceptiblement) les sourcils : « Si, bien entendu, les engagements ne sont pas respectés au point d’étape des 6 mois – on arrive à peu près dans la période puisque c’est la rentrée – on s’adressera nationalement à ces maires pour demander, sinon la mise en œuvre de la charte, du moins des explications ou proposer de l’assistance. Ça peut prendre la forme d’une conférence de presse. On verra les cas problématiques et les cas où il y a aussi des choses intéressantes à annoncer. » Enfin un moyen pour Philippe Saurel de faire parler de lui au niveau national ? La présidente d’Anticor ajoute : « J’étais à Béthune [environ 25 000 habitants], il n’y a pas très longtemps. Le maire a très vite commencé à donner des signes même au-delà de la charte. »

« L’inviter à mettre en œuvre »
Et d’alterner compréhension et menace : « Après, il y a le poids des structures, des habitudes, des réseaux. On est là pour bousculer aussi des habitudes et pour aider, si besoin. […] Je suis là pour l’interpeler et l’inviter à mettre en œuvre. Si, dans quelques temps, malgré nos relances, il n’y a pas de réaction, on pourra considérer que c’est de la mauvaise volonté. […] J’imagine que si une ville comme Béthune peut le faire, une ville comme Montpellier peut aussi. […] C’est en valorisant les bons exemples qu’on pourra, quelque part, mettre au ban ceux qui discréditent franchement et qui desservent vraiment l’intérêt général. »

Et des « bons exemples », il y en a juste à côté. Christophe Hébert du groupe local Anticor 34, complète : « Juvignac et Teyran ont déjà convoqué les élus de l’opposition pour la mise en place de la commission d’éthique. » Soulignons de plus que Jean-Luc Savy, le maire de Juvignac, a signé la charte Anticor après son élection. Il n’a donc pas utilisé, pendant son élection, cet argument électoral. Contrairement à Philippe Saurel.

Il s’en moque ouvertement
Côté application de la charte, Montpellier journal a pu constater que Philippe Saurel s’en moquait ouvertement. En effet, le document prévoit également que le signataire applique « sans délai » les avis de la Commission d’accès aux documents administratifs. Montpellier journal qui utilise beaucoup les documents administratifs dans ses enquêtes, n’a pas moins d’une dizaine d’avis favorables datant d’avant les vacances non suivis d’effet. Et le président de l’Agglo, son directeur de cabinet et le directeur général des services ont été prévenus de cette situation. Il ne s’agit donc pas de dysfonctionnements administratifs ou de loupés. Ajoutons enfin qu’il s’agit parfois de simples fichiers communicables par mail. Commentaire de Séverine Tessier : « Anticor demande à ce que le maire réponde à ses engagements vis à vis de la Cada. » On peut rêver.

Autre point dont personne ne parle : la signature par les vice-présidents de l’Agglo de la charte, annoncée par Philippe Saurel il y a… cinq mois. Christophe Hébert affirme n’avoir reçu aucune demande en ce sens. Courage fuyons ? Si la mauvaise volonté de Philippe Saurel pour appliquer la charte se confirmait, les prochaines étapes seraient les suivantes, affirme Séverine Tessier : la mise en demeure puis la saisine du tribunal d’instance pour non respect du contrat que constitue, d’un point de vue juridique, selon elle, la charte.

Conférence de presse même jour et même heure que celle d’Anticor
Et le principal intéressé, qu’en dit-il ? Notons d’abord – sacré hasard – qu’il a programmé une conférence de presse le même jour et à la même heure que celle d’Anticor. Cette conférence de presse du maire, dont les sujets (propreté et « rentrée politique ») étaient tout sauf urgents, n’était pas inscrite à l’agenda de la Ville diffusé le vendredi 1er septembre. Ce n’est que le 3 septembre en fin de matinée qu’elle a été annoncée (pour le lendemain, donc). Donc seulement quelques heures ouvrées après l’annonce de celle d’Anticor. Étonnant.

Un journaliste a quand même demandé au maire, lors de sa conférence de presse, ce qu’il pensait de la venue de Séverine Tessier à Montpellier. Réponse : « Elle m’a contacté mais franchement [sic] depuis ce matin, je n’arrête pas et ce soir non plus. Anticor m’a donné le prix de l’éthique en 2014. Je les remercie mais moi je n’en fais pas des tonnes [re-sic]. D’abord, je n’ai pas demandé à ce qu’on me nomme. Je n’en fais pas des tonnes. Je respecte mes engagements avec Anticor [re-re-sic], c’est bien, quoi, voilà. »
Écouter la déclaration :

Le lecteur pourra juger cette déclaration à la lumière de ce qui précède… Ajoutons que la présidente était à Montpellier pendant deux jours et qu’autour de cette période, le maire qui a décidé de cumuler sa fonction avec celle de président de l’Agglo contrairement à ses engagements de campagne, s’est rendu notamment à la présentation du maillot du MAHB (handball), à la visite du chantier ferroviaire à… Nîmes, à l’inauguration d’un centre de santé privé, au congrès des… géomètres, à la remise de médaille d’un centenaire, au match de rugby, et… au festival de la tomate. Débordé, on vous dit. Et par des sujets d’importance. Sollicité dès hier via son téléphone portable personnel pour qu’il puisse donner son point de vue, Philippe Saurel n’a pas donné suite.

Côté communication, en revanche, ça ne faiblit pas. À l’occasion de la foire aux associations prévue dimanche 14, le maire a fait installer, sur des pylônes, au moins une trentaine de banderoles d’environ 3m sur 1m avec sa photo sur un tiers de la surface pour vanter ses « engagements tenus ». Par exemple, le tram à 1€. Dont on a vu… qu’il n’avait pas été tenu (lire ici et ici).

Publicités à la gloire de Philippe Saurel le 12 septembre 2014 à Montpellier (Antigone) (photo : J.-O. T.)

Publicité à la gloire de Philippe Saurel le 12 septembre 2014 à Montpellier (Antigone) (photo : J.-O. T.)

► Cet article, publié le 12 septembre, est en accès libre depuis le 23 septembre. Pensez à vous abonner pour soutenir Montpellier journal.

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(1) Midi Libre avait d’ailleurs annoncé (3/09), l’annonce de la venue de Séverine Tessier

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Un commentaire

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  1. anatole said
    on 14 septembre 2014

    à 16 h 30 min

    Je ne critique pas le Maire de faire publicité de ce qu’i fait dans le sens des intentions exprimées et même si toute l’intention n’est pas réalisée , comme dans le cas des tarifs de tram…à la condition qu’il ne transforme pas en slogan attrape-voix la signature de la charte Anti COR. Dans un cas il y a une limite compréhensible de l’usage de l’argent public alors que dans l’autre c’est d’une volonté politique qu’il s’agit. Ca ne coûte rien de pratiquer la communication de documents administratifs par mail.Cette rétention , si elle dure, renverra Philippe Saurel dans le camp de ceux-J.P. Moure par exemple- dont il a cru pouvoir s’extraire. Ce serait dommage.
    Je suggère que nous l’aidions à sortir de l’ornière. Par exemple en nous adressant pour chaque recommandation de la CADA non suivie d’effet au Maire Adjoint , à l’Adjoint, au Conseiller délégué du quartier de la ville ou Agglo dont relève notre demande.
    Ce sont les citoyens qui forment les élus.